Annaba : la crise de l’eau persiste

Des manifestations ont émaillé la fête de l’Aïd DANS toute la wilaya

Annaba : la crise de l’eau persiste

Liberté, 3 septembre 2017

Les habitants de Seraïdi ont carrément érigé un mur en brique de plus d’un mètre de hauteur à même la chaussée pour empêcher toute circulation automobile.

La crise de l’eau qui affecte la wilaya d’Annaba a des conséquences de plus en plus pénibles sur les conditions de vie de la population, qui, lasse d’attendre que la situation de l’AEP s’améliore, a fini par laisser éclater sa colère durant le week-end de fête. Ce qui a donné à ces journées un cachet quasi insurrectionnel, tant la protesta a été violente et généralisée. Ainsi les Annabis ont exprimé leur ras-le-bol en occupant la rue, vendredi, premier jour de l’Aïd, dès les premières heures de la matinée pour dénoncer l’échec de l’entreprise des eaux et l’imprévoyance des pouvoirs publics et des élus locaux qui n’ont pas su les préserver d’une telle pénurie.
Les promesses non tenues de Tabouchi Abdelhalim, directeur de l’agence locale de l’ADE, qui assurait, jeudi, veille de l’Aïd, sur les ondes de la radio locale, que toutes les dispositions ont été prises pour que l’eau soit disponible dans tous les foyers en ce jour de sacrifice, ont exacerbé la colère des habitants des quartiers de Pont-Blanc, d’Oued Kouba, d’Elysa, de M’haffeur, de Rizzi-Amor, de la cité Patrice-Lumumba ainsi que ceux des communes de Sidi Amar, de Seraïdi et même de Chetaïbi, lesquels sont sortis pour fermer les principales voies de circulation à l’aide de blocs de pierre, de troncs d’arbres et de pneus enflammés. Des scènes qui se sont répétées vendredi soir, notamment à la cité Patrice-Lumumba (1000-Logements), dès 20h30 pour se prolonger jusqu’à minuit. Le mouvement de protestation a été d’une telle ampleur, qu’il a fallu d’immenses efforts aux forces de l’ordre, mises en état d’alerte à travers pratiquement toutes ces zones, pour éviter qu’il ne dégénère, surtout que des casseurs, en certains endroits, se sont mêlés à la foule. On rapporte que les habitants de Seraïdi ont carrément érigé un mur en brique de plus d’un mètre de hauteur à même la chaussée pour empêcher toute circulation automobile vers le village de montagne. “Ils nous ont gâché la saison estivale et la fête de l’Aïd, mais nous allons leur pourrir la vie ! Nous sommes décidés à poursuivre les manifestations jusqu’à ce que les autorités décident de mettre tous les voleurs de l’Algérienne des eaux en prison pour mauvaise gestion. La crise est voulue nous en sommes convaincus, elle leur permet d’écouler au prix fort les citernes d’eau et cela ne peut continuer”, lance un jeune manifestant à l’adresse des policiers qui tentaient de le raisonner. Un homme plus âgé se souvient, quant à lui, que l’entreprise des eaux a défrayé la chronique locale il y a deux ans, lorsqu’une enquête a révélé un détournement de plus de 11 milliards au détriment de ses abonnés et se désole du fait qu’aucune suite n’ait été donnée à cette affaire à ce jour, bien que les auteurs de cette forfaiture aient été identifiés et présentés devant la justice. “Y en a marre de ces criminels qui ont fini par faire main basse sur l’eau pour s’enrichir sans vergogne. Ils ont tout fait pour se débarrasser des Allemands de Gelssen Wasser, qu’ils ont qualifiés d’incompétents. En vérité ils se sont débarrassés de cette entreprise étrangère parce qu’elle a mis en place un système informatique qui ne permet pas le moindre tour de passe-passe”, affirme ce sexagénaire. Les attaques dirigées contre les responsables fusent de partout. Elles ont trait à l’incapacité des cadres du secteur qui n’ont rien fait pour gérer convenablement les immenses réserves des deux barrages de Mexa et de Cheffia, qui desservent les wilayas d’Annaba et d’El-Tarf, pas plus qu’ils n’ont mis un terme au problème des fuites innombrables qui affectent le réseau de distribution, causant un gaspillage de l’ordre de 30 à 40% des ressources, indique l’un des habitants.
Les autorités qui se sont limitées jusqu’ici à calmer les esprits en mettant des camions-citernes à la disposition des habitants, persistent à imputer cette pénurie à la sécheresse et à un bas niveau des barrages, sans pour autant évoquer, officiellement du moins, un plan d’urgence. Et pourtant ils le devraient, car si la situation semble maîtrisée, elle peut dégénérer à tout moment si l’eau n’arrive pas dans les robinets.

A. ALLIA