Djezzy : bataille judiciaire annoncée pour le «plus beau des IDE»

Djezzy : bataille judiciaire annoncée pour le «plus beau des IDE»

par Salim Rabia, Le Quotidien d’Oran, 29 juin 2010

C’était le plus beau des IDE des années 2000. En 2010, rien ne va plus entre Orascom Télécom et le gouvernement algérien. Retour sur un IDE qui risque d’atterrir devant le tribunal d’arbitrage international.

Orascom Télécom Holding (OTH) confirme son intérêt à acquérir une participation au capital du plus grand opérateur mobile polonais «Polkomtel» au cas où le gouvernement polonais décidait de le mettre en vente. Le groupe égyptien avait annoncé, quelques semaines auparavant, avoir des vues sur Telecom Srbija (Serbie) que le gouvernement envisage de privatiser partiellement. Auparavant, la rumeur a couru que le groupe Sawiris aurait offert 20% de la valeur de la vente de Djezzy à l’Etat algérien en contrepartie du renoncement à l’exercice du droit de préemption. Orascom Télécom a officiellement démenti tout en se disant un peu inquiet des retards de l’Algérie à engager des négociations. Depuis, c’est le silence radio. Dans la presse internationale néanmoins, les péripéties algériennes suscitent des commentaires très négatifs… pour Alger. Le Financial Times évoque une «mentalité défensive» de l’Algérie qui risque d’accroître son «isolement», l’agence Reuters publie un long article intitulé «comment l’Algérie est entrée en désamour avec l’investissement étranger» et, plus récemment, le Figaro évoque la «bouderie» des groupes français à l’égard du marché algérien. L’image d’un pays réfractaire aux IDE s’incruste. Le changement de la législation algérienne qui serait devenue «dissuasive» pour les investissements étrangers est pointé du doigt. Et, inévitablement, dans chaque article, il est fait référence aux «malheurs algériens» d’Orascom Télécom… Des spécialistes algériens le constatent : dans le bras de fer judiciaire qui s’annonce autour de Djezzy, l’Algérie a déjà perdu la partie sur le terrain de la communication – ce n’est pas irréversible, précisent-ils toutefois, à condition d’avoir quelque chose à communiquer et de savoir le faire – au niveau des médias internationaux.

Un cas paradoxal

Le cas d’Orascom Télécom est un vrai paradoxe. Entré en activité en février 2002 après avoir acquis, en juillet 2001, une licence pour 737 millions de dollars, OTA – Djezzy, après avoir favorisé une démocratisation du mobile, passait pour le plus beau des IDE.

Il est vrai aussi qu’à l’époque certains considéraient qu’on offrait un marché facile à l’opérateur égyptien alors que l’opérateur historique était littéralement ligoté… Huit ans plus tard et alors que Djezzy est devenu le premier opérateur en Algérie, suscitant des vocations, plus velléitaires qu’effectives, chez des investisseurs moyen-orientaux, le plus «bel des IDE» hors hydrocarbures n’a plus la cote d’amour…

Les redressements fiscaux adressés à OTA et la tentative avortée de vente des actifs d’Orascom au sud-africain MTN ont favorisé – il suffit de faire une recherche sur internet pour s’en rendre compte – la multiplication de commentaires sur le «nationalisme économique» et la «fermeture» du marché algérien à l’investissement étranger.

La comparaison entre le message de «non-bienvenu» des Algériens (Financial Times) avec les efforts menés par le Maroc et la Tunisie pour attirer ces IDE est de mise. Orascom Télécom Algérie, la «success story» du début des années 2000, après avoir fait un peu de «pub» au marché algérien – il est vrai sans conséquence significative en matière d’investissement direct étranger (IDE) – se transforme, irrésistiblement, en exemple repoussoir, à la fin de la décennie.

Entretemps, le prix du baril du pétrole a repris des couleurs, les réserves de changes se sont accumulées… Des patrons algériens, quelque peu perdus, ne savent plus que répondre lorsqu’ils rencontrent des opérateurs étrangers qui leur posent la question crûment : l’Algérie ne veut-elle plus des IDE ?

Les investisseurs ne se précipitent pas

En tout état de cause, les investisseurs ne se précipitent pas vers l’Algérie. En 2009, seuls quatre projets ont été recensés par l’ANDI, une chute vertigineuse par rapport au modeste chiffre de 102 projets enregistrés en 2008. Le changement de cap en matière d’encadrement des investissements introduit par la loi de finances complémentaire est, en partie seulement, une réponse à l’affaire de la vente des cimenteries d’Orascom au groupe Lafarge. Le droit de préemption introduit dans la même loi est, lui, directement lié à cette affaire.

Les négociations n’ont pas commencé formellement sur le rachat par l’Etat algérien de Djezzy. L’écart vertigineux dans l’estimation de la valeur de Djezzy – de 3 milliards $ à 7,8 milliards – rend pratiquement impossible un accord direct. Le dossier Djezzy s’oriente, selon les experts, vers l’arbitrage international. OTH, prédisent les experts, va essayer de mettre en exergue des failles présumées dans le droit de préemption introduit dans la LFC 2009. L’Algérie pourrait faire valoir que le chiffre de 7,8 milliards de dollars qui aurait été proposé par MTN pour le rachat des actifs d’Orascom est en réalité le fait d’une entente entre les deux opérateurs pour faire un swap d’actifs à prix élevés. L’opérateur sud-africain aurait accepté de payer Djezzy au dessus de sa valeur de marché et en contrepartie OTH prenait des actifs de MTN également surcotés de l’offre de MTN par Alger. Une chose est claire, Orascom Télécom aura été, en moins de dix ans, le reflet des évolutions contradictoires de la politique économique de l’Algérie.