Crise économique : Les experts accablent le gouvernement

Crise économique : Les experts accablent le gouvernement

El Watan, 22 septembre 2015

L’ambiance était électrique, dimanche, lors de la rencontre qui a regroupé les experts du Conseil national économique et social (CNES) et les membres du gouvernement pour débattre de la crise et dégager les moyens de réduire son impact sur l’économie.

Des indiscrétions font état d’un échange plutôt houleux entre les participants qui ont eu à dresser un constat amer sur la situation et opposer un discours de vérité face à un gouvernement qui donne toujours l’impression de vouloir voiler la réalité par des déclarations «ampouleuses» à l’effet de se disculper de ses échecs cuisants.

Longtemps conforté par la hausse des prix du pétrole, le pouvoir politique se voit en effet acculé par une crise économique née de la dégringolade des cours du brut. Il va désormais à la rencontre des experts et analystes autonomes pour y faire face. Ceux-ci, cartésiens et pragmatiques, ont dit les quatre vérités à l’Exécutif et opposé leur rationalité à l’attitude volontariste du gouvernement qui a empreint la gouvernance économique de ces quinze dernières années.

La crise a affaibli le pouvoir politique, sommé désormais à écouter et à comprendre les experts. Réunis par les instances du CNES, lors d’une table ronde organisée à Alger, les experts, algériens et étrangers, n’ont pas usé de la langue de bois, encore moins d’habiles subterfuges, pour rappeler au gouvernement ses échecs, ses erreurs, ses errements, ses ratages et ses approximations en matière de prospective.

Une vérité d’abord, la désindustrialisation du pays et le manque d’investissements productifs lézardent les chances d’un redécollage rapide. Du côté des analystes des marchés pétroliers, ils ont exclu toute remontée des prix des cours à court terme. Face à ces deux indicateurs, le gouvernement n’a de choix que de se mettre à travailler sur les calculs basiques de dépense en fonction des recettes cumulées, à faire tourner les moteurs de croissance, à soigner sa rigidité face au changement, etc.

Les choix économiques sanctionnés

Pour les experts réunis dimanche dernier à Alger, la crise traduit en réalité la sanction des choix économiques pris ces quinze dernières années. L’économie a consommé plus de ressources qu’elle en a produites. Le gouvernement a été sérieusement interpellé sur ses choix économiques, sur sa responsabilité mais aussi sur sa capacité, sa réaction et sa volonté à mettre en œuvre les réformes suggérées. Contrairement aux idées simplistes que l’on tente de faire avaler, destinées à dissiper la brume des incertitudes qui planent au-dessus du pays, l’Algérie ne dispose d’aucun atout, voire d’aucune marge de manœuvre, à faire valoir face à la crise.

Depuis Montréal (Canada), Taieb Hafsi, professeur à HEC Montréal, qui a participé à la rencontre par le moyen d’une vidéoconférence, n’a pas mâché ses mots avant de les décocher à l’adresse de l’Exécutif. Omar Aktouf, professeur titulaire à la même institution, a fait de même, suivi par de nombreux experts, dont Youcef Benabdallah, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), Ali Boukrami, économiste et ancien ministre, El Kadi Ihsane, économiste et journaliste… Tous ont sonné le tocsin.

Des experts étrangers, mobilisés à l’occasion, n’ont fait que rajouter une couche d’anxiété aux appréhensions éprouvées quant à une chute des prix de pétrole qui s’avère décidément de longue durée. Plusieurs réformes d’envergure, classées en ordre prioritaire, ont été suggérées par les participants à cette rencontre. Pour bon nombre d’entre eux, le gouvernement ne dispose d’aucune période de grâce. C’est dire que l’Exécutif en a eu pour son compte. Sa volonté politique à opérer le changement avant que le paquebot n’atteigne l’iceberg est mise à l’épreuve. Il y va éventuellement de la survie du régime politique actuel, responsable en grande partie de cette crise.

Ali Titouche