La corruption réunit les ministres

LE DOSSIER EXAMINÉ AUJOURD’HUI

La corruption réunit les ministres

L’Expression, 09 Février 2010

De nouveaux mécanismes seront introduits au niveau des ministères et des banques pour mieux surveiller les transactions financières.

La loi sur la corruption sera amendée. Le gouvernement va revoir, lors de sa réunion hebdomadaire d’aujourd’hui, le cadre réglementaire régissant la lutte contre la corruption. «Le gouvernement va examiner l’amendement de la loi sur la corruption», a indiqué une source proche du dossier. En quoi consiste cet amendement? Sans aller dans le fond, notre source se contente de préciser qu’il vise à renforcer les mécanismes de contrôle des deniers publics et durcir les sanctions contre les corrupteurs. Ebranlé par les scandales qui éclaboussent des départements ministériels, le gouvernement tente de sévir. Après un lourd silence, l’Exécutif va briser le tabou pour parler ouvertement de ce phénomène qui gangrène, à grands coups, les institutions de l’Etat. Les travaux publics, l’énergie, les transports et la pêche sont les différents départements affectés et la liste risque de s’allonger. Devant cet état de fait, le gouvernement va serrer davantage l’étau autour de lui.
Lors de la conférence de presse qu’il a animée récemment, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a dévoilé quelques éléments du puzzle. Il a annoncé publiquement que les ministres seront mis sous l’oeil de la justice. «Chaque ministre sera entouré d’un juge», a-t-il affirmé. Voulant aiguiser l’offensive du gouvernement M.Ouyahia a même fait part de la mise en place d’une nouvelle commission de lutte contre la corruption qui sera composée de conseillers juridiques (magistrats). Placés au niveau de certains ministères et institutions économiques, leur principale mission, explique M.Ouyahia, est de garantir que l’octroi des marchés publics se déroule dans le strict respect de la loi. Même si la loi relative à la lutte contre la corruption, adoptée en février 2006, comporte une batterie de mesures, il n’en demeure pas moins que le phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années. Preuve en est que de hauts responsables sont impliqués dans ces affaires. Le gouvernement va tenter de durcir l’arsenal juridique pour sauver sa peau. Nul n’ignore que les dossiers révélés sur les détournements et les dépassements enregistrés dans le projet de l’autoroute Est-Ouest et de la Sonatrach donnent réellement le tournis.
L’opinion publique est toujours sous le choc. Des marchés évalués à des milliards de dinars pour ne pas dire de dollars, ont été conclus sous le manteau.
L’amendement de la loi sur la corruption va donc accentuer beaucoup plus le contrôle sur l’action des départements et la gestion des deniers publics.
De nouveaux mécanismes seront introduits au niveau des ministères et des banques pour mieux surveiller les transactions financières. La déclaration des biens pourrait également refaire surface. Pour assainir la situation au niveau de la justice, la procédure a été lancée récemment. Il y a lieu de rappeler que la loi de 2006 a ouvert la voie aux enquêtes concernant «l’enrichissement illicite» d’agents de banque et trace les contours des opérations d’octroi et de remboursement de crédits.
Au sens de cette loi «les agents de la banque sont considérés comme des agents publics directement concernés puisqu’ils sont investis d’une fonction dans une entreprise publique». Concernant «l’enrichissement illicite», cette loi stipule que «tout agent de la banque qui ne peut raisonnablement justifier une augmentation substantielle de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes s’expose à des sanctions pénales sévères». Cette législation interdit à tout agent de la banque d’accepter d’une personne, un cadeau ou tout avantage indu, susceptible de pouvoir influencer le traitement d’une procédure ou d’une transaction liées à ses fonctions.
En cas d’abus de fonction, l’actuelle loi promet de fortes sanctions. Pour ce qui est de la passation de contrats de la banque, cette loi stipule que «tous les intervenants à la passation d’un contrat ou avenant de la banque dans le cadre de la préparation, négociation, conclusion ou exécution, doivent respecter les textes internes la concernant».

Nadia BENAKLI