Corruption : l’étau judiciaire semble se resserrer autour de Chakib Khelil

Corruption : l’étau judiciaire semble se resserrer autour de Chakib Khelil

Oussama Nadjib, Maghreb Emergent, 08 Mars 2013

L’affaire «Sonatrach 2 », par laquelle le parquet d’Alger désigne les affaires de corruption présumée entre la Saipem, filiale du groupe pétrolier italien ENI et Sonatrach, est en attente des résultats des commissions rogatoires internationales lancées par la justice algérienne. L’étau judiciaire semble se resserrer autour de Chakib Khelil après les révélations italiennes qui ont contraint Bouteflika à promettre de « ne pas passer sous silence » les scandales.

Le procureur général près la Cour d’Alger, Belkacem Zeghmati, a indiqué que l’information judiciaire ouverte dans l’affaire dite « Sonatrach 2 » va connaître une accélération après la réception des résultats des commissions rogatoires par le juge d’instruction. L’information judiciaire « connaîtra, sans nul doute, une cadence accélérée dès réception des résultats des commissions rogatoires internationales par le juge d’instruction et la convocation ou l’émission de mandats de justice à l’encontre de toute personne impliquée sera requise », a-t-il indiqué. Le procureur général a affirmé que l’affaire Sonatrach 2 est le « prolongement de celle de Sonatrach 1, dont l’information judiciaire vient d’être achevée avec le renvoi des prévenus devant le tribunal criminel selon l’arrêt rendu par la chambre d’accusation de la Cour d’Alger en date du 30 janvier 2013 ». « Les faits dont est saisi le juge d’instruction, a-t-il poursuivi, consistent en les délits de corruption, trafic d’influence, abus de la fonction et blanchiment d’argent conformément aux dispositions de la loi 06/01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et celles du Code pénal ». L’action publique en Algérie a été « mise en mouvement » à la suite d’informations provenant de « diverses commissions rogatoires internationales parvenues aux autorités judiciaires algériennes de la part de ses homologues étrangères » a-t-il indiqué en précisant qu’il revenait au juge d’instruction de s’assurer avant tout du bien-fondé de ces informations, de leur exactitude et de leur crédibilité ». Alors que le nom de Chakib Khelil est ouvertement cité dans une affaire de pot-de-vin versé par Saipem, via Farid Bedjaoui, un intermédiaire dont le nom se retrouve également dans des contrats signés en Algérie par le canadien SNC Lavalin, le procureur général a expliqué que l’autorité judiciaire était tenue par la loi et ne pouvait citer les personnes concernées avant leur inculpation officielle.

« Collecte d’informations, d’indices et de preuves »

« Si certes l’identité des personnalités algériennes, ministre ou cadre de la Sonatrach, visées dans cette affaire, a été clairement portée à la connaissance de l’opinion publique par les organes d’information nationaux et étrangers, la loi algérienne n’autorise pas l’autorité judiciaire à le faire avant leur inculpation officielle », a déclaré M. Zeghmati. « Le juge d’instruction a sollicité l’accord des autorités judiciaires italiennes en vue de se déplacer personnellement à Milan (Italie) dans le but de rencontrer ses collègues italiens en charge du dossier ouvert à leur niveau pour des faits similaires », a indiqué le procureur général. L’étape actuelle de l’instruction étant celle de la « collecte d’informations, d’indices et de preuves », le juge en charge du dossier « a accompli toute une série d’actes au niveau national avec le concours de la police judiciaire saisie par commissions rogatoires dont certaines furent exécutées et d’autres en phase de l’être » a-t-il indiqué.

Un « aman » bousculé par les révélations italiennes ?

Les révélations parvenues de l’étranger, d’Italie notamment, ont nommément mis en cause l’ancien ministre de l’énergie, Chakib Khelil, qui serait en Algérie contrairement à la rumeur qui le présente installé aux Etats-Unis. Dans l’affaire dite « Sonatrach 1 », l’ancien ministre semblait avoir échappé à une mise en cause judiciaire et aurait bénéficié d’un « aman » (une garantie ou une protection) du chef de l’Etat. Le scandale Saipem a contraint le président Bouteflika à se prononcer et, semble-t-il, à lâcher Chakib Khelil. Dans une déclaration rendue publique à la veille de la commémoration de la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 1971, Boueflika a indiqué qu’il ne pouvait « pas passer sous silence les scandales récemment relevés par la presse et qui touchent la gestion de Sonatrach.» Ces informations, a-t-il dit «soulèvent notre révolte et notre réprobation, mais je fais confiance à la justice de notre pays pour tirer au clair l’écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation».

Scepticisme

Cette « confiance » en la justice suscite du scepticisme. Mustapha Atoui, président de l’’Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC) y a davantage vu un message à destination de l’extérieur. Les membres de l’association, non reconnue par les autorités, cite de nombreuses affaires où la procédure judiciaire ne fonctionne pas malgré les révélations dans la presse algérienne. Ils citent par exemple le dossier des logements FNPOS, l’affaire de l’agence Koléa de la Khalifa Bank… « Toutes les affaires de corruption citées dans la presse nationale ne sont pas sanctionnées pas des enquêtes» a déclaré un militant de l’association.