Chakib Khelil 1 – justice 0

Sonatrach 1

Chakib Khelil 1 – justice 0

Le Soir d’Algérie, 8 février 2016

Après l’affaire Khalifa, puis l’affaire de l’autoroute Est-Ouest dont les parodies de procès ont eu lieu en 2015, c’est au tour de l’affaire dite «Sonatrach 1» de connaître son épilogue judiciaire. Le pouvoir a «réussi» à se débarrasser — du moins au niveau de la justice — de certaines affaires de corruption internationale où l’Algérie est impliquée… L’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil est le seul gagnant dans cette histoire, la justice algérienne ne cessant d’accumuler les défaites…

L’affaire Sonatrach a démarré en 2009 au niveau de la justice. Il faut d’abord souligner que la très longue détention provisoire pour un certain nombre d’inculpés est une très mauvaise chose en matière de fonctionnement de la justice. Il faut espérer que le nouveau code de procédures pénales évitera à l’avenir que pareils dysfonctionnements ne se répètent. Quant aux condamnations, notamment celle de l’ex-PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, il faut noter que le verdict de cinq ans de réclusion criminelle avec sursis est une première dans les annales judiciaires. Ensuite, il s’agit d’une décision assez clémente au vu des faits inscrits dans l’enquête judiciaire.
Selon le jugement rendu la semaine dernière, l’ensemble des accusés auraient bénéficié de circonstances atténuantes. Comment comprendre que l’on puisse parler de circonstances atténuantes dans un procès de corruption? C’est étonnant. Est-ce que cela traduit une volonté du pouvoir exécutif d’effacer cette affaire ? Cela signifierait à nos yeux, en tous cas, une ingérence du pouvoir exécutif. Par ailleurs, nombre d’observateurs ne cessent d’interpeller les pouvoirs publics quant à l’abus du recours au gré à gré dans les marchés publics de manière générale.
Cette affaire en est une illustration assez significative. Donc, s’il y a une leçon à tirer, c’est celle de revoir la réglementation concernant les marchés publics afin de faire en sorte que le gré à gré soit l’exception. Est-ce que l’absence de Chakib Khelil au procès pose problème ? Un certain nombre d’inculpés ont eu à faire référence à plusieurs reprises à la mainmise de Chakib Khelil sur un certain nombre de décisions.

Banalisation des grosses affaires de corruption

Mais il semblerait — au vu du suivi des débats pendant tout un mois —, que ces mêmes inculpés n’aient pas voulu volontairement aller trop loin dans les accusations à l’encontre de Chakib Khelil pour éviter d’être sévèrement punis. Ceux qui suivent ces affaires et l’opinion publique de manière générale ne se font plus d’illusions sur le fonctionnement serein de la justice. Il y a un profond fossé entre l’opinion publique qui est attentive à l’ampleur du phénomène de la corruption et l’appareil de la justice. La justice n’a jamais été crédible aux yeux de l’opinion publique et cela a contribué à alimenter la banalisation de ces affaires. Il ne peut y avoir de justice sereine dans le cadre des grandes affaires de corruption quand elle s’exerce avec une arrière-pensée de règlements de comptes.
Tout porte à croire que les officiers de police judiciaire du service anti-corruption de l’ex-DRS ont été instrumentalisés par leur hiérarchie. Le pouvoir de ces officiers avait pris le dessus sur le fonctionnement de la justice.
Il était anormal que le DRS se soit autosaisi de ces scandales notamment avec des objectifs de règlements de compte avec le pouvoir politique. En fin de course, l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil est le seul gagnant dans cette histoire, la justice algérienne ne cessant d’accumuler les défaites…

Djilali Hadjadj