Affaire Saipem-Sonatrach : La justice italienne ordonne la saisie des biens de Bedjaoui à New York

Affaire Saipem-Sonatrach : La justice italienne ordonne la saisie des biens de Bedjaoui à New York

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 14 novembre 2015

L’affaire de corruption qui a éclaboussé le groupe Sonatrach, l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil et le groupe italien Eni et sa filiale Saipem, qui a obtenu pour 8 milliards de dollars un projet pétrolier en Algérie contre des pots-de-vin de 198 millions de dollars, touche pratiquement à sa fin.

Le parquet de Milan, qui enquête sur cette affaire depuis trois ans, a ordonné mercredi 11 novembre la saisie de biens immobiliers et d’un compte bancaire de l’ancien directeur de la division Ingénierie et Constructions de Saipem, Pietro Varone, actuellement en détention. Bien plus, le parquet de Milan a demandé la saisie de 250 millions d’euros d’actifs et de biens appartenant à Varone, ainsi qu’aux autres protagonistes de cette affaire, les intermédiaires algériens, Farid Bedjaoui et Samy Ourayed, qu’on présente comme proches de Chakib Khelil. L’ordre de saisie a été prononcé par le tribunal de Milan dans la gestion de ce procès dans lequel sont également poursuivis de hauts responsables d’Eni et de Saipem, y compris leurs filiales en Algérie. A Milan, l’avocat de Pietro Varone, Me Barbara Belloni, a confirmé à l’agence Reuters que la saisie des biens de son mandant avait déjà été effectuée. Par ailleurs, le tribunal de Milan a également demandé contre Farid Bedjaoui, l’ex-dirigeant de la société ‘’écran » Pearl Partener, basée à Hong Kong, et soupçonné d’avoir joué les intermédiaires entre des dirigeants de Saipem et des dirigeants du secteur pétrolier algérien, la saisie de huit propriétés à New York, dont sept à Manhattan et une dans la 5eme Avenue, près du célèbre Times Square.

TOUT TOURNE AUTOUR DE BEDJAOUI

Le parquet milanais a en outre requis la saisie dans les comptes bancaires en Suisse et en Asie de Bedjaoui d’une somme d’un peu plus de 37 millions de dollars, ainsi que 9 comptes au Luxembourg. Un mandat d’arrêt international a été lancé par Interpol contre Farid Bedjaoui, personnage central de cette affaire, digne d’un ‘’polar » américain. Selon la justice italienne, Saipem a payé des pots-de-vin versés à Farid Bedjaoui de 198 millions d’euros pour des contrats d’une valeur de 8 milliards d’euros avec la Sonatrach pour l’exploitation de gisements pétroliers dans la région d’El Merk. La direction de Saipem a récusé cette accusation, estimant qu »’il n’y a aucune raison pour que l’entreprise soit tenue responsable ». D’autre part, l’ordonnance de saisie délivrée par le juge du parquet de Milan couvre la valeur des pots-de-vin de plus de 197 millions d’euros versés par Saipem entre 2007 et 2009, plus 50 millions d’euros d’impôts non payés sur cette somme, selon l’arrêt de la cour cité par Reuters. En plus de Bedjaoui, les autres personnes impliquées dans cette affaire sont l’ancien directeur de Saipem Algérie Pietro Varone et Samy Ourayed, un autre intermédiaire. Le procès de Farid Bedjaoui et Samy Ourayed est prévu le 2 décembre prochain à Milan. Dans cette même affaire, le même parquet de Milan avait acquitté le 4 novembre dernier l’ex-PDG d’Eni, Paolo Scaroni, pour «non-existence de preuves valables de son implication». Froide et mécanique, la justice italienne a cependant requis 2 ans et 10 mois de prison ferme contre Tullio Orsi, ancien PDG de Saipem Algérie, en plus de la confiscation de 1,3 million de francs suisses. Le jugement avait été rendu le 3 octobre dernier.

L’AFFAIRE TOUJOURS EN COURS

La justice milanaise enquête également avec le président de Saipem Pietro Tali, le directeur des finances de Saipem puis de Saipem Eni, Alessandro Bernini, le responsable d’Eni pour l’Afrique du Nord, Antonio Vella. Cette affaire est menée par le tribunal de Milan contre Eni et sa filiale Saipem, inculpées en vertu de la loi 231 de 2001, qui prévoit ‘’la responsabilité administrative des entreprises pour des crimes commis par les administrateurs », explique la presse italienne. Et c’est en janvier 2015 seulement que les procureurs de Milan avaient fermé l’enquête sur Scaroni et sept autres gestionnaires dans le groupe pétrolier Eni et sa filiale Saipem. En plus des délits de pots-de-vin et corruption, la justice italienne enquête sur des déclarations frauduleuses de revenus (évasion fiscale) par le moyen de fausses factures et d’un système de comptabilité parallèle. Le parquet milanais mène ses investigations autour d’un vaste «réseau international de corruption» impliquant de nombreux hauts dirigeants de l’entreprise pétrolière italienne et l’entourage de l’ex-ministre de l’Energie algérien Chakib Khelil.