Cadres sous haute pression

ILS RISQUENT LA PRISON À TOUT MOMENT

Cadres sous haute pression

Le Soir d’Algérie, 31 mars 2010

Les campagnes de lutte contre la corruption, salvatrices tant qu’elles ne glissent pas vers le règlement de comptes entre clans se disputant une meilleure assise au pouvoir, induisent, comme conséquence collatérale immédiate, la paralysie de l’action des cadres gestionnaires.

Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir) – Les grosses affaires de corruption qui tiennent en haleine l’opinion nationale, voire même internationale, ont eu un ricochet foudroyant sur la vie économique nationale. Par crainte, les cadres gestionnaires, à quelques niveaux que ce soit, sont en passe de devenir maîtres de la prudence excessive. Au point où la conclusion de marchés tend à relever de la bravade. Non que ces cadres gestionnaires, présidents-directeurs généraux, directeurs généraux, chefs de département et autres, souffriraient d’un manque de probité mais, par les temps qui courent, il n’est pas bien indiqué d’être particulièrement entreprenant. Ce qui est arrivé au directoire de la Sonatrach, aux hauts cadres des ministères des Travaux publics et de la Pêche et des Ressources halieutiques et à d’autres gestionnaires, semble avoir semé un vent d’inertie chez ces derniers. La peur est là, même si les pouvoirs publics n’ont de cesse de répéter que les enquêtes économiques diligentées et les procès intentés aux présumés coupables ne procèdent pas de règlements de comptes comme suggéré par la chronique politique et, plus souvent, par le commentaire médiatique. Il plane, en effet, depuis la mise en branle de la campagne de lutte contre la corruption, comme un air de nouveau Maccarthysme. Ce qui n’est pas pour rasséréner les cadres gestionnaires, lesquels, à raison ou à tort, finissent par percevoir leur poste et leur fonction comme l’antichambre de la prison. Inquiétudes légitimes puisque dans toutes les affaires de corruption révélées à l’opinion, à l’instar des plus grosses que sont l’affaire Sonatrach et celles de l’autoroute Est-Ouest et du thon rouge, la responsabilité des ministres à charge des départements ne semble pas retenue comme engagée. Ni Chakib Khelil, le ministre de l’Energie et des Mines, ni Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, ou encore Smaïl Mimoun, le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, n’ont été cités à répondre d’une quelconque responsabilité, celle politique notamment, dans les affaires scabreuses qui éclaboussent leurs secteurs respectifs. Seuls, pour le moment, les cadres gestionnaires répondent pénalement de leurs actes de gestion. Diligentées autour de la conduite et la gestion des opérations économiques, notamment la passation de gros marchés publics d’équipements ou de réalisation, les enquêtes menées ont généré un climat de peur généralisée à la quasi-entièreté de la sphère économique. Au point où, dit-on, des cadres gestionnaires prient de n’avoir pas de marchés à conclure ou de contrats à parapher. Ce qui, évidemment, se répercute négativement sur l’essor de développement économique pour lequel l’Etat dégage des enveloppes bien touffues de devises.
S. A. I.