Des responsables de l’Algérienne des eaux seraient impliqués : Une autre grosse affaire de corruption

Des responsables de l’Algérienne des eaux seraient impliqués : Une autre grosse affaire de corruption

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 12 décembre 2015

Dans son numéro de jeudi, le quotidien espagnol El Mundo ouvre sur un scandale de corruption impliquant des responsables de l’Algérienne des eaux (ADE) et des politiciens espagnols. Gustavo de Arístegui, actuel ambassadeur d’Espagne en Inde et Pedro Gomez de la Serna, député du Parti populaire espagnol, au pouvoir, sont ainsi soupçonnés d’avoir touché plusieurs millions d’euros de commission via leur société Voltar Lassen, suite à l’obtention de contrats publics par des sociétés espagnoles en Amérique Latine et en Afrique, plus précisément en Algérie.

Cristobal Tomé, intermédiaire espagnol présent en Algérie depuis 30 ans, est l’homme par qui le scandale arrive pour peu que ses déclarations rapportées par un ancien associé de Voltar Lassen soient authentifiées. Et des preuves, il en a, dira-t-il à El Mundo, reconnaissant avoir effectué des transferts d’argent à travers Western Union aux proches des dirigeants de l’entreprise nationale. Deux lettres adressées aux services anticorruption espagnols par cet ancien associé de Voltar Lassen ont révélé l’affaire impliquant des cadres de l’ADE. On apprend que Cristobal Tomé indique avoir versé de l’argent aux membres de la famille des responsables de l’Algérienne des eaux pour l’obtention d’un contrat de construction et de montage d’une canalisation dans le cadre du projet de station de dessalement d’eau de mer à Souk Tleta, dans la wilaya de Tlemcen. Le contrat d’un montant de 250 millions d’euros permettait à Arístegui et De la Serna de toucher une commission de 1% via leur société Voltar Lassen.

Dans ses écrits datant de mars 2012, l’intermédiaire espagnol indique explicitement avoir procédé à des versements, la plupart effectués par Western Union vers la France et «destinés aux familles des dirigeants de l’entreprise publique». Il explique pouvoir remettre les justificatifs des avances qu’il a lui-même versées pour faciliter l’obtention du contrat et demande ainsi que les sommes promises soient complétées par Elecnor. L’homme aurait d’abord payé avec son propre argent avant de réclamer à son entreprise 575 000 euros pour compléter les versements. Il a admis auprès des journalistes espagnols avoir payé «pour faciliter le succès de l’opération».

D’après le journal, pas moins de 2,5 millions d’euros de commission ont été versés aux proches des dirigeants algériens, à travers leurs proches, pour remporter le contrat d’un montant de 250 millions d’euros desquels 1% était prélevé par les deux politiciens. Dans le second courrier, Cristobal Tomé indique que le neveu d’un des dirigeants algériens est hospitalisé à Paris et attend le versement de 10 000 euros. Il ajoute que le non-paiement du reste de la somme le discrédite personnellement auprès de ses interlocuteurs algériens et pourrait compromettre « les futures relations avec l’oncle ». À travers la société Voltar Lassen, le groupe espagnol a également obtenu un autre contrat portant sur la construction de la première ligne de tramway de Ouargla, marché octroyé en 2013 pour un montant de 230 millions d’euros. Pour ces deux contrats, Arístegui et De la Serna auraient donc touché une somme mensuelle de 15 000 euros et au moins 737 000 euros de commission, ajoute El Mundo.

Le parlementaire espagnol a démenti ces informations, expliquant que ces accusations ont été formulées par un ancien associé contre lequel il affirme avoir déposé quatre plaintes pour menaces et extorsions. De son côté, l’ambassadeur Arístegui indique avoir cédé la gestion de ses affaires à son fils. Le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a essayé de minimiser la chose en disant que c’est une pratique courante, tandis que le Parti socialiste «PSOE» a exigé la démission de l’ambassadeur et que le parlementaire soit déchu. Le quotidien El Mundo vient ainsi de jeter un véritable pavé dans la mare du parti conservateur au pouvoir, en pleine campagne pour les législatives du 20 décembre alors que la justice espagnole vient d’instruire un vaste scandale de corruption dans le sud de l’Espagne où plus de 1.000 témoins et accusés sont entendus dans une affaire de détournement de fonds européens destinés à la formation des chômeurs.