Quand le DRS et la Présidence feignent de découvrir l’ampleur de la corruption en Algérie

Les hauts cadres impliqués sont nommés par le Président avec l’accord du DRS

Quand le DRS et la Présidence feignent de découvrir l’ampleur de la corruption en Algérie

Samir Allam, TSA, 27 mars 2013

Depuis quelques mois, les révélations sur les affaires de corruption se multiplient en Algérie. Le DRS, via son service de police judiciaire, créé il y a quatre ans, multiplie les enquêtes et les perquisitions. Plusieurs contrats signés durant la dernière décennie, notamment dans le secteur de l’énergie, sont scrutés à la loupe. L’ouverture d’enquêtes à l’étranger, notamment en Italie et au Canada, sur les conditions d’attribution douteuse de contrats pétroliers en Algérie, a poussé la justice algérienne à communiquer, en annonçant des enquêtes et des commissions rogatoires internationales.

Des personnalités, considérées comme proches de la Présidence, à l’image de Chakib Khelil, sont impliquées dans ces affaires. Le président Bouteflika, après avoir longtemps observé le silence, a décidé de communiquer sur des affaires, qui, parfois, s’apparentent à des attaques contre sa personne pour l’empêcher de briguer un quatrième mandat en 2014. « S’agissant des tentatives d’enrichissement illicite et au préjudice des deniers publics et des droits de la communauté nationale, la loi s’appliquera dans toute sa rigueur, car l’Etat est déterminé à imposer le sérieux et l’intégrité dans le travail et n’hésitera pas à demander des comptes à toute personne coupable aux yeux de la loi, tout en veillant à recouvrer les droits spoliés », a promis M. Bouteflika, le 19 mars, dans un message adressé aux participants à un séminaire sur l’Armée de libération nationale (ALN), organisé à Tébessa.

« La justice jouit aujourd’hui de la compétence qui la conforte dans son action », a ajouté le président Bouteflika. « Nos devoirs imposent à l’Etat d’être fort et d’exercer pleinement son pouvoir dans le respect des lois de la République, de manière à rassurer sur ses capacités à protéger la vie, les biens et la dignité des citoyens », a assuré le chef de l’Etat.

Dans cette question de la corruption, les choses semblent se dérouler à un rythme rapide. Même la justice, qui a généralement besoin de beaucoup de temps pour instruire des affaires, veut montrer qu’elle travaille. Des magistrats ont été envoyés à l’étranger pour enquêter. Des perquisitions ont été menées à Alger. Et, selon nos confrères d’El Watan de ce mercredi 27 mars, de hauts cadres du secteur de l’énergie et l’ancien ministre Chakib Khelil ont reçu des convocations des juges en charge de l’affaire liée à l’attribution du contrat de construction de la centrale électrique de Hadjret Ennous à SNC Lavalin. Un contrat dans lequel on retrouve le nom de Farid Bedjaoui, considéré comme un proche de Chakib Khelil.

Mais toute cette agitation pose un problème. Tout le monde le sait : à de rares exceptions près, les hauts cadres de l’administration et des entreprises publiques sont nommés par le président de la République, après une enquête du DRS. Mieux, dans chaque ministère et au niveau de chaque grande entreprise, au moins un gradé du DRS exerce comme « conseiller ».

Lors de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, un colonel du DRS, conseiller du ministre de la Justice pendant les faits, était directement impliqué. Depuis, il a été mis à la retraite, sans jamais avoir été inquiété par la justice.

Dans le même dossier, Amar Ghoul est toujours aux commandes du ministère des Travaux publics. Il prévoit même de lancer de nouveaux projets routiers et autoroutiers, à coups de milliards de dollars. Pourquoi le président Bouteflika ne lui demande-t-il pas se démissionner pour laisser la justice faire son travail en toute transparence, comme il l’a promis aux Algériens ? Les exemples similaires sont nombreux. Il est difficile de croire que l’agitation actuelle autour des affaires de corruption soit une véritable opération « mains propres » destinée à limiter ce phénomène.