«La croissance peinera à franchir les 2% en 2018-2019»

Rapport de suivi de la Banque Mondiale sur la situation économique de l’Algérie

«La croissance peinera à franchir les 2% en 2018-2019»

Le Soir d’Algérie, 14 octobre 2017

La Banque mondiale a publié mercredi un rapport de suivi de la situation économique consacré à la région Mena, Moyen-Orient et Afrique du Nord. Un état des lieux prévalant dans la sous-région qui note, en ce qui a trait à l’Algérie, que la croissance est bien partie au début de l’année en cours avant de prédire que la croissance du produit intérieur brut (PIB) finira par s’établir à 2,2% pour cette année.
Ainsi, note la Banque mondiale, après la reprise amorcée à la mi-2016, l’activité économique dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) devrait rester modérée en 2017 et ce, «en raison d’un ralentissement de la croissance dans les pays exportateurs de pétrole de la région».
Les réductions de production continuent de tirer la croissance vers le bas dans la quasi-totalité des pays de la sous-région qui, toutefois, devrait connaître une amélioration de la croissance en 2018 et 2019, avec un taux supérieur à 3% puisque, selon les perspectives au sein de la Mena, les exportateurs et importateurs de pétrole tireront tous profit d’une amélioration constante de la croissance mondiale, de l’augmentation des échanges avec l’Europe et l’Asie, d’une plus grande stabilité des marchés de produits de base – particulièrement du pétrole – et des réformes entreprises dans certains pays de la région. Les experts de la BM s’attendent, ainsi, à ce que les pays exportateurs de pétrole de la région Mena enregistrent «une croissance plus vigoureuse en 2018 et 2019, leurs administrations s’adaptant progressivement à la nouvelle norme des bas prix pétroliers».
Des pays qui, pour neutraliser l’impact de la dégringolade des cours, ont pour la plupart adopté de nouvelles mesures en matière de recettes, des mesures allant de l’augmentation de l’impôt sur les sociétés à l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée en 2018, comme cela a été le cas dans tous les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en passant par des coupes budgétaires prenant, entre autres, la forme de réduction des subventions sur les carburants, l’eau et l’électricité ailleurs dans la région.
Quant au cas précis de l’Algérie, la Banque mondiale relève qu’«une forte croissance de la production d’hydrocarbures et des dépenses publiques supérieures aux prévisions a sous-tendu une croissance économique solide au début de l’année 2017. Les défis structurels limitent toutefois la croissance des hydrocarbures et l’inflation continue d’augmenter. Un double déficit important persiste, amenuisant l’épargne et les réserves budgétaires. A moyen terme, la croissance devrait reculer et le double déficit se réduire avec la mise en œuvre par le gouvernement de mesures d’assainissement budgétaire. Les réformes liées aux subventions nécessiteront une gestion prudente pour protéger les acquis en matière de réduction de la pauvreté». Le passage au crible de l’économie algérienne par les experts de la Banque mondiale fait ressortir le postulat selon lequel, malgré la faiblesse des cours mondiaux du pétrole, la croissance économique algérienne est bien partie en 2017.
Selon les estimations, «la croissance du PIB réel a augmenté de 3,7 % au premier trimestre, principalement en raison de la forte production dans le secteur des hydrocarbures, qui a augmenté de 7,1%. La croissance dans le secteur hors hydrocarbures a ralenti pour s’établir à 2,8%, contre 4% au cours de la même période en 2016. Le déclin a été particulièrement marqué dans le secteur manufacturier, où la croissance est tombée à 3,9 %, contre 5,1% au premier trimestre de 2016 ; les chiffres correspondants pour l’agriculture sont de 3% et 4,8% respectivement. Jusqu’ici, l’inflation se situe au-dessus de 6% pour l’année». Des chiffres qui disent tout d’une économie algérienne toujours aussi dépendante de ses hydrocarbures pour gagner quelque répit et les premiers effets sur lesquels misent les pouvoirs publics avec l’entrée en lice de la planche à billets, donnée non prise en compte au moment où était établi ce rapport de la Banque mondiale.
Quoi qu’il en soit, les perspectives pour notre économie s’annoncent moroses, selon les analyses de la BM qui s’attend à «un ralentissement net de la croissance au second semestre de 2017 et en 2018 à mesure que les réformes d’assainissement des finances auront des effets. Avec la stabilisation de la production de pétrole, la croissance globale diminuera et l’impact de la hausse des taxes et des droits d’importation pèsera sur la croissance du secteur hors hydrocarbures». Des données qui auront pour conséquence un PIB finalement à 2,2 % pour l’année 2017. Plus pessimiste encore, la Banque mondiale prédit une croissance qui peinera à franchir la barre de 2% en 2018-2019 «soit une croissance anémique pour un pays à revenu intermédiaire présentant une prédominance démographique de la jeunesse».
Dans sa théorie émise quant au cas de l’économie algérienne, la Banque mondiale estime, par ailleurs, que le démarrage de la production à partir de nouveaux puits de pétrole stimulera l’activité économique, la croissance dans le secteur hors hydrocarbures fera les frais des mesures d’assainissement budgétaire découlant de l’aversion du gouvernement aux emprunts extérieurs. Il ressort de là que «le double déficit devrait se situer à des niveaux soutenables d’ici à 2020. Si le processus d’assainissement budgétaire se poursuit à un rythme plus lent qu’en 2017-2019 – la trajectoire budgétaire présentée dans la loi de finances de 2017 – les réductions des dépenses publiques affecteront principalement les dépenses en capital, atténuant l’effet à court terme, mais assombrissant davantage les perspectives de croissance à long terme».
M. Azedine