Quel bilan économique pour Bouteflika ?

Après 8 années de réformes

Quel bilan économique pour Bouteflika ?

Par : N Ryad, Liberté, 9 avril 2007

 

Les échéances 2008-2009 seront décisives : elles correspondent à la montée en cadence en matière de mise en œuvre du programme de relance et au parachèvement des réformes structurelles approfondies.

Il faut au moins trois ans de gestion pour pouvoir évaluer l’action d’un haut responsable, disent les spécialistes. Le président de la République, lui, est à la tête de l’État depuis huit ans, au cours desquels, on peut le constater, de grands progrès ont été réalisés.
C’est sous l’impulsion et le suivi du chef de l’État, que l’Algérie est parvenue à éteindre quasiment sa dette extérieure. Au 31 décembre 2006, le volume de la dette extérieure algérienne avait atteint seulement 5 milliards de dollars, contre 16,7 milliards de dollars à la même période de l’année 2005.

>Réserves de change : un record historique. À la même échéance de l’année dernière, les réserves en devises ont atteint 78 milliards de dollars, soit de quoi couvrir plus de trois ans d’importations. C’est un niveau jamais atteint depuis l’Indépendance du pays. Cet indice de la viabilité de la balance des paiements constitue un signal positif à l’adresse de la communauté d’affaires internationale.

>Caisse de régulation : l’application du principe de précaution. Grâce à cette embellie financière due à la poursuite de la flambée des prix du pétrole, les caisses de l’État sont pleines. Le Fonds de régulation a atteint également des sommets. Cela n’a pas empêché le chef de l’État d’instituer un seuil plancher de 700 milliards de dinars, soit environ 10 milliards de dollars, comme réserve à ne pas toucher utilisable en cas de retournement du marché pétrolier. Ce principe de précaution a également été appliqué s’agissant de l’équilibre financier de la Caisse de retraite. Une part des recettes fiscales pétrolières servira annuellement à alimenter un fonds de retraite. L’argent accumulé assurera le versement des retraites y compris pour les générations futures. C’est une décision historique, rassurante pour des millions de travailleurs.

>Programme de relance bis : un plan Marshall pour moderniser l’infrastructure du pays. Le chef de l’État décide d’affecter plus de 100 milliards de dollars au titre du programme de relance bis pour moderniser l’infrastructure du pays et améliorer les conditions de vie des populations. Une enveloppe supplémentaire est également accordée pour le développement des Hauts-Plateaux et du sud du pays. Cet argent public, qui sera dépensé entre 2005 et 2009, est destiné à consolider la croissance économique positive depuis plusieurs années en attendant que le secteur privé puisse prendre le relais. Deux ans après que ce programme fut lancé, l’Algérie est en chantier. Autoroute Est-Ouest, modernisation et extension de voies ferrées, métro et tramway, réalisation de grosses usines de dessalement de l’eau de mer d’une capacité globale de plus de 2 millions de mètres cubes/jour, autant de mégaprojets devront donner une autre image de l’Algérie. Les fruits de cet effort colossal seront récoltés en principe en grande partie en 2008-2009
Au tableau gris, les réformes structurelles peinent à être accélérées. Au terme de huit ans de mandat du chef de l’État, l’Algérie n’est pas encore au rendez-vous de l’efficacité et de la compétitivité. Son économie reste très dépendante des fluctuations des cours du brut. Si le prix du baril descend à moins de 50 dollars, l’Algérie peinera à parachever le programme de relance. Les exportations hors hydrocarbures représentent seulement 2% des exportations globales. L’entreprise, du reste, qui est au cœur de l’essor du pays continue à faire face à un climat des affaires encore contraignant en dépit des progrès réalisés : accès problématique au foncier, système bancaire en retard, une administration lente. De ce fait, les flux d’investissements étrangers, quoiqu’en augmentation, ne sont pas en rapport avec le potentiel du pays. La mise à niveau dont dépend la compétitivité de l’appareil de production local accuse de surcroît un retard, dans un contexte d’ouverture plus large du marché algérien, faisant planer le danger sur la pérennité de la majeure partie des entreprises publiques et privées. Une fragilité macroéconomique n’est pas surmontée, menaçant à terme les équilibres financiers. La balance des services connaît un déficit structurel : les transferts de devises vers l’étranger sont en augmentation, résultant de la dépendance technologique et du recours aux entreprises internationales pour les grands projets.
Autre difficulté ardue : face à la multitude de projets à réaliser, l’Algérie ne dispose pas de nombreuses entreprises d’envergure, capables d’achever les ouvrages dans les délais et dans les normes de qualité. Cette situation est à l’origine d’ores et déjà d’un grand gaspillage de l’argent public reflété par les réévaluations, les glissements dans le planning de réalisation des projets, l’attribution de projets à des entreprises incapables de soutenir un rythme de réalisation standard, notamment dans le secteur du bâtiment, des travaux publics.
Les années 2008 et 2009 seront finalement décisives. À ces échéances, les conclusions pourront être rendues sur la capacité du pays à assurer son développement durable, à surmonter ses fragilités et sur l’étendue des progrès enregistrés en matière d’amélioration des conditions de vie des populations.

N. Ryad