Les victimes de Boumerdès réclament 5 milliards d’indemnités

Le procès du séisme entre DANS sa phase cruciale

Les victimes de Boumerdès réclament 5 milliards d’indemnités

Par : Madjid T., Liberté, 21 juillet 2007

La journée d’aujourd’hui sera réservée au réquisitoire.

Seulement une trentaine de victimes sur les 180 prévues étaient présentes avant-hier au tribunal de Boumerdès (salle INH) pour demander réparation du préjudice qui leur a été causé suite à l’effondrement de leurs maisons à la suite du séisme du 21 mai 2003. Si certaines d’entre elles, comme celles de la cité des 102-Logements de l’OPGI de Corso ou celles de la cité des 50-Logements de Dellys, ont préféré être représentées par leurs avocats, les autres victimes sont venues elles-mêmes plaider leur cause et demander au président du tribunal réparation.
Le premier à intervenir est un couple de miraculés de la cité du 11-Décembre qui a exigé une somme de 1 milliard et 400 millions de centimes de préjudice. Les deux rescapés G. Y. et sa femme, sortis des décombres d’un bâtiment effondré dans un état grave, ont justifié la somme par le traumatisme qui leur a été causé, les prix des soins, le remboursement des crédits, la perte de l’emploi pour la femme et la perte de leur logement.
Un avocat intervient pour dire au président du tribunal que le couple a obtenu de la wilaya un logement et exhibe un document qu’il affirme représenter une preuve de cette attribution. “Pour le moment, nous habitons toujours un chalet”, réplique la victime. Le deuxième à se présenter à la barre est un citoyen de Dellys, M. A., dont toute la famille — sa femme et ses cinq enfants — a été décimée suite à l’effondrement d’un bâtiment à la cité des 50-Logements de Dellys ayant causé la mort de 84 personnes qui fêtaient un mariage. “Qu’exigez-vous à titre de préjudice ?”, lui demande le président du tribunal, M. Benabdellah Redhouane. “Rien, M. le président, car l’État m’a indemnisé et m’a donné un logement.” M. Benabdellah lui explique que les sommes du préjudice n’ont rien avoir avec les différentes aides octroyées par l’État. L’homme observe un silence, puis lâche : “5 milliards de centimes”. Un autre citoyen de la cité des 122-Logements de l’EPLF de Corso, devenu handicapé à la suite du séisme, a demandé un milliard en guise de réparation. L’avocat de l’EPLF intervient et fait savoir au juge que cette personne ne possède aucun titre de propriété. “J’ai payé 23 millions de centimes et on n’a pu payer le reste, car on était en justice avec l’EPLF”, précise-t-il.
M. Benabdellah intervient pour expliquer au deux parties que la justice va trancher sur cette question. Quant au procureur de la République, M. Belhadj Abdellah, il a indiqué que toute personne blessée suite au séisme y compris celles qui étaient de passage à le droit à des réparations. Un autre citoyen de la cité du 11-Décembre hésite à demander la somme. “Vous devez avoir une idée sur le prix du logement, non ?”, l’interroge M. Benabdellah. “Comme le prix du logement à Boumerdès est cher, je demande 700 millions de centimes”, répond-il. Un autre citoyen dont cinq de ses enfants et un de ses neveux ont trouvé la mort à la cité des 60-Logements SNTF de Corso a demandé 1 milliard pour ses enfants et 200 millions de centimes pour la famille de son neveu. Un autre a exigé 500 millions alors que son voisin demandait 700 millions. Le plus bas prix, 80 millions de centimes, a été demandé par un citoyen de la cité 252-Logements EPLF des Issers. Le seul qui a refusé de demander de l’argent est un citoyen de Tidjelabine, M. Omar. “Je ne peux pas demander ça”, affirme la victime. Le juge insiste en lui lançant : “N’ayez pas honte ! C’est votre droit sacré !” “Non, je ne demande rien monsieur le président, l’État m’a pris en charge”, lâche l’homme. M. Benabdellah revient à la charge : “Comment avoir honte de vos droits alors ceux qui vous ont ramené des études de sol de Boufarik pour les appliquer à vos logements ici à Boumerdès pour vous tuer n’ont pas eu honte ?”, lâche M. Benabdellah. Mais l’homme est resté silencieux en dépit de l’insistance du juge.
L’autre fait marquant de la journée est incontestablement l’intervention inattendue du représentant de la direction générale de l’OPGI de Boumerdès qui est porté partie civile. “L’OPGI est victime car ses biens se sont effondrés”, a affirmé le responsable des affaires juridiques de l’OPGI au président du tribunal en s’appuyant sur l’article 136 du code civil qui stipule que “le commettant est responsable du dommage causé par l’acte illicite de son préposé, lorsque cet acte a été accompli par celui-ci dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. Le lieu de préposition existe même lorsque le commettant n’a pas eu la liberté de choisir son préposé, du moment qu’il a sur lui un pouvoir effectif de surveillance et de direction”. La journée d’aujourd’hui sera consacré au procureur de la République qui va livrer son réquisitoire à l’encontre des 38 accusés.

M. T.