Étudiants algériens rapatriés d’Égypte

Étudiants algériens rapatriés d’Égypte

« Nous refusons de retourner dans cet enfer »

El Watan, 8 décembre 2009

Nous avons été humiliés et traités de chiens. Et l’Algérie est qualifiée de… poubelle. Il ne reste plus rien à faire dans ce pays. » C’est ainsi que les étudiants algériens en Egypte résument le drame dans lequel ils vivent depuis la double confrontation entre l’Algérie et l’Egypte qualificative au Mondial sud-africain de 2010. Aujourd’hui, ils demandent une solution pour sauver leur cursus universitaire.

Ils sollicitent, à cet effet, l’intervention du président de la République pour mettre un terme à leur calvaire. En effet, plus de 300 étudiants, qui reviennent de l’enfer égyptien, se sont rassemblés hier devant le ministère de l’Enseignement supérieur, à Alger, pour exiger leur prise en charge. Ils sont à la fois inquiets et déçus par l’attitude des autorités. « Le ministre de l’Enseignement supérieur ne parle que de la prise en charge des 17 étudiants envoyés en Egypte par son département. Nous, nous n’existons pas pour lui. Nous sommes 1600 étudiants dans ce pays et nous sommes aussi des Algériens », affirme Amar Yagouni, étudiant en droit à l’université de Halouane, en Egypte. Ce jeune homme demande que les autres étudiants bénéficient du même traitement que celui réservé aux 17 cités par le ministre. Pour lui, l’option du retour au Caire est exclue. « Nous refusons de retourner en Egypte. Nous y avons vécu des moments difficiles et aucun de nous n’acceptera d’y remettre les pieds.

C’est très dangereux ! Les enseignants, les étudiants et le peuple égyptiens nourrissent une haine inimaginable pour tout ce qui est algérien », soutient-il. Amar Yagouni nous raconte également son expérience et le lynchage organisé dont il a été victime. « Avant le match Egypte-Algérie qui s’est déroulé le 14 novembre dernier au Caire, nous avons été victimes d’intimidations. Mais à la veille de la rencontre de Khartoum, la situation s’est compliquée. Les Egyptiens sont passés à l’acte en prenant à partie tout Algérien qui s’aventurait à mettre le nez dehors. Avec mon ami, nous avons échappé à une mort certaine. C’était mardi 17 novembre. Nous nous sommes rendus à la boulangerie où nous avions l’habitude d’acheter « el ache » (le pain égyptien). Le propriétaire de la boulangerie, un barbu, a appelé à notre lynchage car sachant que nous étions algériens. A son appel, environ 60 personnes nous ont entourés et ont commencé à nous rouer de coups. Alors que mon ami a réussi à s’échapper, moi j’ai été passé à tabac. Sans l’intervention d’un vieux commerçant, je ne serais pas là aujourd’hui », raconte-t-il.

Trois commissions pour traiter les dossiers

Les étudiants algériens ont été victimes d’un lynchage systématique. Dans la rue, dans les quartiers, dans les chambres, dans les universités et même au niveau de l’aéroport du Caire. Hossam Mhamedi, étudiant en sciences naturelles à l’université Aïn Chams, nous raconte lui aussi une histoire dramatique. « Au lendemain du match d’appui Algérie-Egypte, l’enseignant nous a demandé de quitter les bancs de l’amphithéâtre en nous disant : sortez espèce de chiens et de haramia (bâtards) ! L’attitude de l’enseignant a encouragé les étudiants à se liguer contre nous », témoigne-t-il. Lui et ses huit camarades étudiants en économie ont été contraints de quitter le territoire égyptien par la route. « Devant l’impossibilité de prendre un avion, un ami libyen s’est proposé de nous transporter en voiture. Nous avons été obligés de débourser l’équivalent de 10 000 DA chacun pour arriver en Libye », explique-t-il.

Bennouar Abbas, étudiant en première année de magistère (sciences politiques), revient sur les détails d’une campagne d’agression organisée contre les Algériens : « Même à l’aéroport, nous avons été humiliés. Nos passeports ont été piétinés et les policiers proféraient toutes sortes d’insultes à notre encontre. Nous ne nous sommes sentis en sécurité qu’au décollage de l’avion. » Ces témoignages justifient les inquiétudes de ces étudiants qui veulent rester définitivement en Algérie et poursuivre leurs études dans des universités nationales. Ce n’est pas acquis. Le secrétaire général du ministère de l’Enseignement supérieur, qui a reçu, hier, une délégation des étudiants concernés, a promis d’étudier leurs dossiers. Selon Mokhtar Khiati, membre de cette délégation, le représentant du ministère s’est engagé à examiner les dossiers de tous les étudiants. « Il nous a dit que l’Etat et le ministère s’engagent officiellement à régler la situation des étudiants algériens en Egypte. Trois commissions sont installées à Oran, Boumerdès et Constantine pour recevoir et étudier tous les dossiers », soutient-il. Le secrétaire général du ministère a fixé la date du 15 décembre en cours pour le dépôt des dossiers. « Leur étude sera entamée juste après pour se terminer au maximum le 30 janvier prochain. Le SG du ministère nous a assuré que les dossiers seront examinés au cas par cas et selon les lois de la République », souligne notre interlocuteur.

Par Madjid Makedhi