« Khalida Toumi a barbelé la Casbah au lieu de l’intégrer au plan ‘Alger 2030’ »

« Khalida Toumi a barbelé la Casbah au lieu de l’intégrer au plan ‘Alger 2030’ » (Halim Faidi, urbaniste)

Rédaction Maghreb Emergent, 13 avril 2016

Halim Faidi, architecte, urbaniste, prix national d’architecture et prix du président de la République en 2012, fait bouger les lignes sur Radio M, la web radio de Maghreb Emergent. Il propose de vider la Casbah des deux tiers de ses habitants pour lui redonner vie*

« Aucune ville moderne ne peut se permettre le luxe de ne pas penser l’intégration de sa ville ancienne dans la nouvelle », a affirmé, parlant de la Casbah d’Alger, l’architecte et urbaniste Halim Faidi, invité du direct de Radio M. ce mardi. « Le talon d’Achille du plan de développement d’Alger reste véritablement la Casbah », a-t-il ajouté : « La Casbah est le miroir de toute l’Algérie, dont elle concentre toutes ses cultures, donc son identité. »

Le plan de développement d’Alger 2030, initié en 2010-2011 par l’ancien wali d’Alger, Mohamed Kébir Addou, n’a pas pu intégrer la ville traditionnelle dans son organisation de l’espace projeté de la capitale. La faute est à l’absence de coordination des départements du gouvernement.

La Casbah d’Alger est classée patrimoine universel dépendant du ministère de la culture. « Khalida Toumi a dressé des barbelés autour de la Casbah dans le but de protéger ce patrimoine », a déclaré Halim Faidi, et cela a bloqué la possibilité d’intégrer la réhabilitation de la ville ancienne dans le plan d’ensemble du développement d’Alger : « Il ne peut pas y avoir de plan de développement stratégique si l’on n’intègre pas efficacement le problème du cœur historique de la ville. »

« 60.000 personnes vivent à la Casbah pour une capacité de 30.000 seulement »

Pour Halim Faidi la Casbah d’Alger connaît un sérieux problème de surdensité de la population, avec 60.000 habitants pour une capacité d’environ 30.000 habitants. C’est ainsi que cet urbaniste préconise une solution radicale : vider la Casbah des deux tiers de sa population. Cependant, pour éviter qu’ils ne soient tenté de revenir, il faut « transposer leur tissu social », c’est-à-dire recréer un quartier dans lequel on pourra les reloger ensemble, « avec les mêmes codes de voisinage, les mêmes liens sociaux ». Il faudra ensuite laisser les projets privés redonner vie à la Casbah : « Etant initialement un territoire à 90% privé, il doit le redevenir. » Et de déplorer que le plan de sauvegarde permanent de la Casbah, mis en œuvre depuis deux ans, n’arrive toujours pas à créer cette dynamique de réhabilitation de la ville historique avec de nouveaux acteurs.

L’Amirauté : le lien entre la Casbah et la mer

Faut il que l’Amirauté d’Alger, occupée par le commandement des forces navales algériennes, revienne à la ville afin de permettre de renouer le lien direct de la Casbah à la mer et développer le tourisme ? La question posée à Halim Faidi suscite de sa part une réponse de temporisation : « Tant qu’il n’existe pas un projet précis, la présence de l’Armée permet éventuellement de protéger ce patrimoine. Car la question se pose de ce que l’on fera de l’Amirauté au cas où l’Armée la cèderait ».

L’aménagement de la partie maritime de la vieille ville est encore un enjeu urbain « où chaque responsable y va de sa fantaisie. L’ancien gouverneur d’Alger voulait faire un musée de l’automobile dans les voûtes ! Ensuite, la rumeur circulait à la wilaya d’Alger qu’on allait en faire un centre commercial ! » La question de l’Amirauté est précisément le lien absent entre le plan stratégique de développement d’Alger et le plan dit permanent de sauvegarde de la Casbah.