Le patron des forces armées américaines en Europe à Alger

Le patron des forces armées américaines en Europe à Alger

La vision… nocturne des Américains

Le Quotidien d’Oran, 29 octobre 2002

Le général Joseph W. Ralston, commandant en chef des forces alliées en Europe et commandant des forces américaines en Europe, est arrivé, hier, à Alger dans le cadre d’une visite à l’invitation du général Mohamed Lamari.

Cette visite répond à une invitation du chef d’état-major de l’ANP (CEM/ANP), le général de corps d’armée Mohamed Lamari, indique un laconique communiqué du MDN, qui ajoute que la visite du général Joseph W. Ralston, à la tête d’une importante délégation, s’inscrit dans le cadre de «la poursuite du développement des relations de coopération militaire» et permettra aux deux parties d’examiner «les questions d’intérêt commun», sans autre précision.

Le général Joseph W. Ralston, nommé depuis le 3 mai 2000, commandant en chef des forces américaines en Europe, en remplacement du général Wesley Clark, qui avait mené la guerre dans les Balkans, contre la Serbie, avait déjà reçu, au QG des forces américaines en Europe, à Stuttgart en Allemagne, une délégation militaire algérienne conduite par le CEM/ANP au printemps 2001.

Le contact de haut niveau, qui s’est établi depuis entre les deux armées, avait abouti à des échanges de délégations entre les deux pays ponctués, du côté américain, par la visite à Alger du général Carlton W. Fulford, adjoint du commandant en chef des forces américaines en Europe, sous la conduite du général Ralston, et par l’envoi, du côté algérien, d’une délégation de six colonels de l’ANP à Stuttgart.

Depuis les attentats du 11 septembre, les forces américaines en Europe ont entrepris une restructuration de leurs forces en prévision de la lutte anti-terroriste en Europe, en soutien aux agences américaines de renseignements, telles que la NSA, la CIA et le FBI. Dans ce cadre, le général Ralston, dont les troupes sont passées de 150.000 à 300.000 hommes, a été délégué, par le secrétaire d’Etat, Donald Rumtsfeld, pour tisser des contacts opérationnels avec les Etats, qui sont confrontés au phénomène terroriste et qui avaient sollicité l’aide matérielle américaine, ciblant ainsi le Caucase, les Balkans, la Syrie, le Liban et l’Algérie.

Outre la Géorgie, qui avait reçu des conseillers militaires et de l’équipement anti-terroriste, les Américains envisageraient, selon The Herald Tribune de juin dernier, d’autoriser finalement la vente d’un matériel de vision nocturne aux forces spéciales algériennes. C’est dans ce cadre, estimait ce journal, que les six colonels de l’armée algérienne s’étaient rendus à Stuttgart, afin de se familiariser avec ces nouvelles technologies, en prévision d’une future livraison.

La visite du général Ralston est, de ce fait, un tournant dans ces négociations, puisque la volonté politique, de livrer des équipements antiterroristes à l’Algérie, est affichée par l’administration républicaine du président Bush, comme il l’avait communiqué à Bouteflika. L’interlocuteur du général Lamari est un «client» sérieux, puisque le général Joseph W. Ralston assumait les fonctions d’adjoint au chef d’état-major interarmées au Pentagone, à Washington D.C., et fut donc le deuxième haut gradé militaire des Etats-Unis.

Cette volonté est d’autant plus affichée que les militaires algériens ont contourné un embargo de fait, pour s’approvisionner en équipements militaires aussi bien en Afrique du Sud, en Chine, en Russie qu’en Inde. Une donne que voudrait inverser le Pentagone au profit des «équipementiers» américains, du moment qu’Alger est également une alliée dans la guerre menée contre Al-Qaîda.

Il n’est donc pas à exclure, estiment les observateurs, que cette visite, qui a également son sous-bassement stratégique dans le sillage d’un dialogue triangulaire ANP-OTAN-Pentagone, se concrétise également par des contacts réguliers mais néanmoins discrets. Ainsi, des invitations à des stages, ayant lieu à l’Ecole de l’OTAN, à Oberammergau, et au Collège de défense de l’OTAN, à Rome, ont été lancées pour des cadres du MDN. Ces stages portent sur les questions de maintien de la paix, la maîtrise des armements, la protection de l’environnement, la coopération civilo-militaire pour les plans civils d’urgence et la coopération européenne en matière de sécurité. Un certain nombre de bourses d’étude internationales sont également offertes à des chercheurs des pays participant au dialogue méditerranéen, dont les Algériens.

Le forcing des militaires du Pentagone en Algérie commence à prendre sa vitesse de croisière, servie par des manoeuvres communes, notamment avec la participation de la Marine algérienne et des bâtiments de la VIème flotte US, et par la visite des amiraux Murphy et Abbot ou celle des généraux Fulford et maintenant Ralston à Alger.

Mounir B.