La plainte qui a provoqué le départ précipité, le soir du 25 avril

La plainte qui a provoqué le départ précipité,
le soir du 25 avril

   Plainte contre le général K. Nezzar

Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 10 octobre 2001

Le mercredi 25 avril 2001, une famille algérienne dont le fils est mort sous la torture et deux anciens détenus torturés dans les prisons algériennes portaient plainte contre le général Khaled Nezzar venu en France assurer la promotion d’un livre de mémoires, Echec à une régression annoncée (éditions Publisud).

Déposée par deux avocats, Mes William Bourdon et Antoine Comte, la plainte visait l’ancien homme fort pour « sa responsabilité directe dans la politique de répression généralisée, fondée non seulement sur l’usage massif et systématique de la torture, mais aussi sur les exécutions extrajudiciaires ». En application de la Convention internationale de 1984 contre la torture, dont la France est signataire, les deux avocats demandaient l’arrestation et le jugement en France de l’ancien patron de l’armée.

Arrivé le mercredi en fin de journée au Centre culturel algérien de Paris, le général Nezzar ne semblait se douter de rien. Déposée quelques heures auparavant auprès du parquet, la plainte des avocats avait pourtant été jugée recevable.

Une enquête préliminaire était ouverte. A charge pour la brigade criminelle d’entendre, dès le lendemain, les plaignants et de vérifier le statut du général. A ce stade de l’enquête, aucune mesure coercitive n’était envisageable contre Khaled Nezzar. Mais, si aucune immunité (du type diplomatique, par exemple) ne s’y opposait, le général serait entendu, une enquête serait ouverte, un juge d’instruction désigné et un mandat d’amener délivré.

« MISSION OFFICIELLE »

Très vite avertie des menaces qui planaient sur Khaled Nezzar, l’ambassade d’Algérie en France transmettait un fax au Quai d’Orsay assurant que le général était « en mission officielle ». En clair, cela signifiait qu’il ne détenait pas de passeport diplomatique mais qu’il devait bénéficier malgré tout d’une immunité, celle due au représentant d’un Etat « en mission officielle ».

Pour éviter l’incident diplomatique, voire une crise dans les relations – déjà difficiles – entre la France et l’Algérie, Paris sera tenté de reprendre l’argument à son compte, si faible soit-il s’agissant d’une personne venue faire la promotion de son dernier livre. En fait, l’affaire n’ira pas à son terme. Sans attendre que la justice tranche son cas, le général repartait dès le mercredi soir vers son pays natal à bord d’un avion privé. « Cela ressemble fort à une exfiltration, c’est-à-dire à un départ obtenu grâce à la participation de certains responsables du pays hôte », commentait Me Antoine Comte.

De retour en France en février 2002, le général Khaled Nezzar viendra sans doute muni, cette fois, d’un passeport diplomatique et bardé de toutes les garanties qu’il ne sera pas inquiété par la justice française.

 

 

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