Radicalisation des actions
Par Souhila Hammadi, El Watan, 11 octobre 2001
La Coordination interwilayas des archs et comités de quartiers de Kabylie, qui se réunit ce week-end à Béjaïa, promet de radicaliser davantage ses actions.
Linterdiction de la marche du 5 octobre dernier et la révélation de lidentité des négociateurs avec le chef du gouvernement Ali Benflis sont vécues par les animateurs du mouvement comme de graves camouflets auxquels on évite, toutefois, de donner leur véritable portée, certainement pour ne pas exacerber davantage la colère des jeunes et accentuer la désillusion des adultes. Depuis samedi dernier, un climat tendu règne dans certaines localités (notamment El Kseur et Amizour) où des émeutes éclatent dès la sortie des classes. Le doute taraude inexorablement les esprits depuis que les personnes ayant rencontré le chef du gouvernement au nom des archs «se sont dénoncées», pour reprendre lexpression de Farès Oudjedi, délégué de la coordination intercommunale de Béjaïa. «Nous navons mandaté personne pour discuter avec M. Benflis. Ceux qui lont fait dans la clandestinité ont trahi la cause», affirme Zahir Benkhalet, lun des principaux animateurs du mouvement de contestation populaire à Béjaïa. Cheraft Mohamed Chérif, délégué de la commune de Timizrit, Bennaceur Lounis, délégué de Sidi Ayad, et les pères de deux victimes des événements (Boukheddad Ameur et Arab Aïssa), ont, dit-on, enfreint le code dhonneur du mouvement, qui interdit, dans son article 4, «toute activité ou action qui vise à nouer des liens directs ou indirects avec le pouvoir et ses relais». Les «coupables» sont de facto exclus du mouvement. Pour éviter une réédition de ce revers, la Coordination interwilayas a décidé de ne plus chercher à remettre la plate-forme dEl Kseur au président de la République. «Dorénavant, nous communiquerons nos exigences par voie de presse. Bouteflika doit passer par les mêmes canaux pour nous donner ses réponses», indique M. Oudjedi. Il précise quil devient vital pour le mouvement de prendre à témoin lopinion publique. «Bouteflika a reculé sur ses engagements à réviser le Code de la famille et à réformer lécole algérienne. Cela nous a rendus méfiants.»
Lors du conclave de ce week-end, la Coordination interwilayas procédera à linstallation de trois commissions, dont lune sera chargée dexpliciter tous les points contenus dans la plate-forme dEl Kseur. Une autre commission devra se pencher sur la préparation dune conférence nationale à laquelle seront conviés les organisations et les partis politiques dessence démocratique ayant accompagné le mouvement de contestation. La coordination intercommunale de Béjaïa proposera, quant à elle, une batterie dactions à mener dans limmédiat : prévoir des grèves et des marches à léchelle locale et nationale, tenter de déghettoïser la contestation en organisant des expositions et des conférences dans les centres universitaires, faire partir les officiels (wali et chefs de daïra) de la wilaya, bloquer une fois par semaine toutes les routes nationales (RN 5, 26, 12, 9)… Cette dernière action risque de ne pas plaire aux usagers de ces routes nationales. «Parfois, nous sommes obligés de mener des actions impopulaires pour déranger le pouvoir», répond simplement un des délégués de wilaya.
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Les quatre propositions des comités de Bouira
La tournure prise par les derniers évènements ont fait réagir, comme il fallait sy attendre, la coordination des comités de citoyens de la wilaya de Bouira qui organisait lundi passé un conclave à Mchedellah, en vue de dégager des propositions quelle soumettrait lors de la réunion de la coordination interwilayas daujourdhui à Béjaïa.
Cest ainsi que quatre propositions ont été retenues à lissue de cette rencontre. Elle ont trait au non-payement de la facture de leau, à lorganisation dune conférence nationale avec les partis politiques qui ont soutenu le mouvement citoyen et reconnu son essence démocratique, au rejet des échéances électorales et à linternationalisation des revendications contenues dans la plate-forme dEl Kseur. Cette réaction se veut une réplique aux tergiversations du pouvoir aux revendications légitimes dune partie de la population en butte au déni historique et culturel.
Par Ali D.