Après que Abassi et Benhadj soient libérés en juin prochain

Après que Abassi et Benhadj soient libérés en juin prochain

Comment leur éviter le sort de Hachani ?

L’Actualité, 20 novembre 2002

Trois ans après l’assassinat de Abdelkader Hachani, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le sort qui sera réservé au deux leaders de l’ex-FIS après leur libération.

Vont-ils être relâchés comme n’importe quel prisonnier ordinaire et jouir d’une totale liberté alors que le risque politique demeure présent ? Ou bien seront-ils mis sous protection particulière pour leur éviter ce qui est arrivé, un certain 21 novembre 1999, à Hachani ?

Ali Benhadj, une fois libéré, sera-t-il mis en résidence surveillée au même titre que Abassi Madani pour circonscrire le risque de leur éventuel déploiement ?

Toutes ces interrogations méritent d’être posées dès maintenant car à chaque réponse correspond une situation non sans incidence sur l’après-libération des deux leaders du parti dissous.

A ce propos, les avis divergent quant à la gestion de ce dossier délicat.

Selon les uns, il faut bien respecter la décision de justice qui concerne le cas de ces deux prisonniers. Pour les autres, il ne faudrait pas que la mise en liberté totale de Abassi et de Benhadj débouche sur une sorte de piège qui viendrait à mettre encore une fois les autorités face un grave problème politique.

Libération sous certaines conditions
Dès lors, les deux chouyoukh vont-ils être relâchés comme n’importe quel prisonnier et jouir d’une totale liberté alors que le risque politique demeure présent selon l’analyse des politiques et de certains spécialistes s’intéressant à ce dossier ?

Car personne ne pourrait imaginer que les deux dirigeants de l’ex-FIS s’empêcheraient d’entrer en contact avec les autres responsables du parti dissous et avec les sympathisants d’une entité qui continue de compter un nombre non négligeable de militants pour la cause.

Mais comment les autorités vont-elles s’assurer que Abassi et Benhadj ne soient pas tentés par la reprise des activités politiques ?

Ces autorités devront-elles alors leur dicter des conditions particulières qu’ils devront respecter pour pouvoir jouir de leur liberté ? Sinon, les deux figures emblématiques du parti dissous seraient laissés à leur sort sachant que l’un et l’autre sont gravement malades.

Plus clairement, leur état de santé serait tel qu’ils ne pourront plus espérer reprendre du service, du moins lorgner sur un avenir prometteur pour « la bonne cause » pour laquelle ils ont purgé 12 ans de prison.

Abassi n’exclut pas de continuer le parcours
Autre interrogation, Ali Benhadj, une fois libéré, sera-t-il mis en résidence surveillée au même titre que Abassi Madani qui depuis 1997 vit dans son logement de Belouizdad (Belcourt) ?

Le numéro deux de l’ex-FIS, et grand orateur, pourrait subir ce même sort, du moins pour un certain temps, afin d’éviter qu’il ne reprenne, d’une manière ou d’une autre, ses activités politiques.

dans sa résidence surveillée, il est interdit à Abassi Madani de recevoir n’importe quelle personne, hormis certains des membres de sa famille. Tout récemment, la tentative du frère de Benhadj d’aller rendre visite à Abassi a été vouée à l’échec puisque le concerné a été conduit au niveau du poste de police de Belouizdad pour interrogatoire.

Les services de sécurité craignant que cette visite ne serve de moyen de contact entre les deux leaders. Benhadj continuant de purger sa peine dans la prison militaire de Blida.

Les craintes des autorités sont toujours de mise concernant une reprise des activités politiques par les deux dirigeants de l’ex-FIS. Abassi n’avait-il pas annoncé, dans une lettre datée du 27 septembre dernier adressée à tous les responsables et sympathisants de l’ex-FIS, qu’il pourrait reprendre du service.

En effet, il n’avait pas exclut que si jamais il serait encore vivant, il « continuerait le parcours » avec cette précision que ça sera, cette fois-ci, « sur la bonne voie ».

L’armée craint pour la vie des deux chouyoukh
Par ailleurs, les deux leaders du parti dissous seront-ils mis sous une protection particulière pour leur éviter ce qui s’est arrivé, un certain 21 novembre 1999 à Abdelakader Hachani ?

Vraisemblablement cela sera le cas si l’on tient compte du souci des autorités à préserver la sécurité deux personnes dont l’élimination risquerait de porter un très mauvais coup à la sincérité et à la crédibilité des institutions de l’Etat, soient-elles civiles et militaires.

Ceci d’autant plus, qu’au lendemain de l’annonce de l’assassinat de Hachani, il y a eu des insinuations mettant en cause les autorités et particulièrement l’Armée. La mort de ce responsable de l’ex-FIS était intervenue- n’ont pas manqué de le faire remarquer certains – juste après le référendum sur la concorde civile organisé le 16 septembre 1999.

A ce sujet, le général Mohamed Lamari avait, dans une déclaration au début du mois de juillet dernier, affirmé que l’Armée détenait « des informations sûres que la libération de Ali Benhadj et de Abassi Madani les exposerait à un réel danger de la part des terroristes eux-mêmes ». Cette précision est venue pour éclairer l’opinion publique sur les conditions dans lesquelles Hachani a été assassiné. Le général avait, en effet, tenu à souligner, par rapport à ce dossier, que le défunt n’avait pas tenu compte des conseils des militaires quant aux menaces qui le guettaient de la part d’éléments terroristes.

Mieux, Lamari révélera que Hachani s’était obstiné à refuser une protection qui lui a été proposée par les services de l’Armée.

Cependant, la libération des deux leaders mettra-t-elle fin aux actions du GSPC et du GIA, sachant que ces deux organisations revendiquent, elles aussi, cette condition pour déposer les armes ? Il est trop tôt pour le savoir.

Salah Eddine B.

——————————–

Libération de Abassi et Benhadj

Quelle sera l’attitude des éradicateurs ?

Dans moins d’une année, les deux leaders du parti dissous, le Front islamique du salut (FIS), Abassi Madani et Ali Benhadj, vont être libérés après avoir purgé leur peine. Indéniablement, cet événement va certainement créer une intense polémique, et elle ne sera pas des moindres.

Quel sera l’attitude des détracteurs du mouvement islamiste, communément appelés les « éradicateurs » une fois les leaders de l’ex-FIS libérés ? Il est évident que la chose ne sera jamais perçue d’une manière tout à fait « ordinaire ». Les éradicateurs considèrent que ces deux hommes sont responsables de la mort de dizaines de milliers d’Algériens. Cependant, la question que se posent bon nombre d’Algériens est liée au statut ou bien précisément au rôle qu’auront Abassi et Benhadj dans la vie politique du pays. Les démocrates accepteront-ils un tel fait ? On parle déjà ici et là de la réhabilitation du parti dissous. D’ailleurs, souvent le lien est vite fait entre le projet du Président de réconciliation nationale et le retour de ce parti. L’un des premiers à évoquer cette probabilité, une formation dite du Pouvoir, en l’occurrence le Rassemblement national démocratique (RND) de Ahmed Ouyahia, ministre dans l’actuel gouvernement. En octobre dernier, la Centrale syndicale, en réunissant les membres de sa Commission exécutive nationale (CEN), tout en rejetant l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures, a fortement contesté la réconciliation nationale. Pour eux, il n’est pas question de réhabiliter le parti dissous. Des formations politiques ont adopté la même position, dont le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Sadi et le Mouvement démocratique et social (MDS) d’El Hachemi Cherif. Ce dernier est sans doute celui qui s’oppose le plus à tout compromis avec l’islamisme. D’ailleurs, c’est pratiquement le seul parti à n’avoir pas soutenu la concorde civile. D’autre part, il y a les organisations des victimes du terrorisme qui vont sûrement réagir. Il n’y a qu’à voir la façon avec laquelle elles ont réagi concernant la plainte déposée par « l’émir » amnistié de l’Armée islamique du salut (AIS), Ahmed Benaïcha, contre Ali Djerri, directeur du quotidien arabophone El Khabar. Pour rappel, un rassemblement a eu lieu devant le tribunal d’Alger le jour du procès. Seulement, cela influera-t-il en quoi que ce soit sur le cours des événements ? Pas forcément. En premier lieu, les peines dont écopé Abassi et Benhadj arrivent à terme. Donc, s’il y a contestation, elle sera contre la durée de la peine. A ce propos, le leader du MDS, El Hachemi Cherif a, à plusieurs reprises, demandé la révision du procès des responsables du FIS dissous. Selon lui, douze ans de prison est peu par rapport à leur responsabilité dans ce qui s’est passé durant la décennie écoulée. En second lieu, l’attitude adoptée par certaines formations politiques dites « éradicartrices », à l’exemple du RCD, de l’ANR ou même du RND, vis-à-vis de la loi sur la concorde civile, laisse penser qu’elles peuvent toujours « abdiquer ». Pour rappel, ces partis ont soutenu la concorde civile et certains d’entre eux ont même « trompé » l’opinion publique.

Seules les tractations politiques décident de la position à adopter. Pour rappel, le Comité national pour la sauvegarde de l’Algérie (CNSA), dont le chef de file était l’UGTA à travers Abdelhak Benhamouda, avait pour composante les « éradicateurs ». Le CNSA a, d’une manière ou d’une autre, participé à l’arrêt du processus électoral en 1991. Les éradicateurs ont toujours été de fervents opposants aux islamistes, particulièrement ceux du FIS.

Ghany Aïchoune