Une campagne ratée mais qui annonce déjà les élections locales
Après le 30 mai, la gueule de bois politique ?
Une campagne ratée mais qui annonce déjà les élections locales
Kader Hannachi, Le Quotidien d’Oran, 18 mai 2002
Les acteurs politiques qui ont cru à la bonne tenue délections législatives sans la Kabylie, et dans le contexte de crise nationale actuelle, semblent sêtre lourdement trompés. Une semaine après son démarrage, les Algériens montrent quils naiment pas cette campagne. Et que leur désaffection pour linstant, dépasse de loin toutes les prévisions. Y compris les plus pessimistes.
Disons le tout de suite, cette situation présente des aspects positifs. Le profond désintérêt des électeurs et de lopinion à légard de cette campagne, a pour conséquence aujourdhui de délocaliser la Kabylie. Présentée pendant de longs mois comme une entité politique différente, comme un Etat dans lEtat, comme un pays dans un pays, la Kabylie perd de cette épouvantable altérité, au fur et à mesure que la campagne dérive vers le fiasco.
Labsence dune campagne électorale crédible dans les autres régions du pays, indique en effet que la crise dépasse les limites dune seule ou de plusieurs wilayas, mais quelle sinscrit dans un cadre national. Au moins cela rassure, par rapport aux oracles de la sécession kabyle, et à ceux qui en ont fait un fonds de commerce pour imposer des élections.
Léchec de la campagne empêche dores et déjà toute discussion sérieuse, en dehors du taux de participation. Le 30 mai prochain, cet aspect constituera lunique enjeu de la consultation électorale. La véritable question alors, concernera davantage lusage quen fera le pouvoir.
Pour linstant deux hypothèses se profilent : après le grave échec du gouvernement de navoir pas pu tenir les législatives avec tous les partis, ce dernier pourrait être tenté douvrir un front, contre toute tentative dopposition susceptible de perturber son «cap». Selon les déclarations récentes dun certain nombre de grands commis de lEtat, ce cap ne pourra être atteint que par la restauration de lEtat et de sa force.
Dans leurs confessions «à leurs amis journalistes», ces représentants de lEtat esquissent une politique dintérêt national, « qui ne saurait sencombrer « dinterrogations passagères», ou de revendications de lopposition». En termes crus, ils annoncent un verrouillage inquiétant.
Cest là lhypothèse la plus épouvantable: Avec une représentation nationale faite de partis acquis au pouvoir, et dautres qui sont incapables danimer une association ou un comité de quartier, le président Bouteflika aura le triste privilège de gouverner, non pas avec un Parlement crédible, mais avec des clients ramassés dans les débris du CNT et du parti unique. Concrètement, cest cette option que les électeurs semblent rejeter, en naccordant aucun intérêt à la campagne. Y aller contre, implique une prise de risque suicidaire, si on intègre dans notre analyse le fait que le pays profond, présenté comme la planche de salut, multiplie lui aussi les signes dimpatience et de colère.
Symboliquement, une telle option mettra le président de lEtat en contradiction avec les actions quil a accomplies jusquici: la Concorde civile et le mérite de reconnaître que la réalité algérienne est plurielle, la reconnaissance de la langue berbère, la réhabilitation dun certain nombre de figures historiques, comme Messali Hadj ou Ferhat Abbas.
Poursuivre une politique déradication de lopposition, comme les législatives semblent le suggérer, cest sombrer dans une gestion de prestige, sans consistance et sans pouvoir réel de changement.
Seconde hypothèse : celle-ci consistera à prendre réellement en compte le comportement des Algériens à légard de la politique. Lunique alternative dans ce cas, cest de songer à des élections locales, qui permettront enfin à la société de se structurer.
Cest là aussi le seul moyen de changement, et lunique moyen de donner des perspectives au pays. Après le 30 mai, il faudra commencer dabord par un débat de fond sur léchec de la démocratisation, sur le statut et le rôle des partis, sur les associations et lutilité de leur indépendance du pouvoir. Autrement, ce sera toujours le plongeon vers le fond.