Le président Bouteflika limoge le gouverneur du Grand Alger

Le président Bouteflika limoge le gouverneur du Grand Alger

Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 3 mars 2000

LE GRAND ALGER a perdu son statut privilégié de gouvernorat et son
ministre-gouverneur. S’appuyant sur un avis du Conseil constitutionnel, le
président
Bouteflika a pris une ordonnance, mercredi 1er mars, qui fait de la
capitale algérienne une communauté territoriale parmi d’autres,
supprimant du même coup le poste de Cherif Rahmani, le ministre
« chargé du gouvernorat du Grand Alger ».

Le limogeage de M. Rahmani était prévisible. A la mi-février, lors
d’une interview donnée à une télévision du Golfe, le chef de l’Etat
avait critiqué le statut taillé sur mesure d’Alger, qui faisait de
la capitale depuis 1997 « un Etat dans l’Etat », jouissant de
ressources financières propres. Il avait eu également des mots sévères
pour le ministre-gouverneur, qui « n’a de compte à rendre à personne
sauf à Dieu ».
M. Bouteflika avait également dénoncé le faste coûteux des cérémonies
organisées par M. Rahmani pour célébrer le millénaire de la capitale.
Auparavant, le président avait affirmé être intervenu en personne pour
arrêter la vente, par l’administration du Grand Alger, d’un bien
immobilier pour un prix dérisoire.

Personnage flamboyant, proche de certains militaires, Cherif Rahmani
s’efforçait de donner à l’étranger l’image d’un « homme nouveau »,
qu’il n’était pas. Neveu d’un héros de la guerre d’indépendance, le
colonel Bencharif, il avait été préfet puis, au début des années 1980,
secrétaire général du ministère de l’intérieur, avant d’occuper
différents postes ministériels. Elu du Rassemblement national
démocratique (RND), le parti créé pour appuyer l’ancien président
Liamine Zeroual, le ministre-gouverneur d’Alger était qualifié par
ses détracteurs de « nouveau dey d’Alger ».

Certains milieux à Alger n’hésitent pas à relier le limogeage de
Cherif Rahmani aux changements intervenus récemment au sein de
la haute hiérarchie militaire. En écartant brutalement le
« super-préfet » de la capitale, le chef de l’Etat répondrait en
quelque sorte aux militaires qui l’empêchent de procéder à une
réorganisation profonde de l’armée et des services de sécurité.
Le fait est que, fin février, les mutations et les départs à la
retraite annoncés par la présidence n’ont pas remis en cause
le pouvoir militaire, qui demeure concentré entre les mains des
généraux-majors Mohamed Lamari, le chef d’état-major, Mohamed Médiene,
chef du département Recherche-Sécurité (services de renseignement)
au ministère de la défense et enfin Smaïn Lamari, directeur du
contre-espionnage intérieur, de la lutte antiterroriste et
antisubversive. Les généraux qui ont été écartés sont ceux qui
étaient proches de l’ancien président Zeroual et ceux réputés les
moins « éradicateurs ».

 

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