Armée : Dur est le divorce
Armée
Dur est le divorce
L’actualité, 12 Août 2002
Voilà une question que se pose tout un chacun en ce qui concerne la gestion des affaires du pays. Une problématique qui revient sans cesse. Périodiquement, cette institution est au centre dune polémique.
De ce fait, le retrait de lArmée nationale populaire (ANP) de la politique est le leitmotiv de certains partis, à lexemple du Front des forces socialistes (FFS) qui en est, en quelque sorte, le chef de file. Dans le subconscient général, ce sont les militaires qui gèrent le pays depuis bien longtemps, et les élus ne seraient, en fin de compte, que des « marionnettes ». Et cest face à cette conviction que dès son élection, le 16 avril 1999, le chef de lEtat, Abdelaziz Bouteflika, na arrêté de déclarer quil nest pas un trois-quarts de président. A ce propos, trop de choses ont été dites et redites depuis.
Hormis le fait que les responsables de linstitution militaire ont, depuis quelques années déjà, affiché leur volonté de moderniser leur corps, pour plusieurs observateurs, ils ont, également, lintention de se retirer du devant de la scène politique. Les sanglants évènements vécus par les Algériens durant cette dernière décennie ont beaucoup nui à limage de lANP, devenue la cible de toutes les accusations.
Seulement, ces derniers temps, pour plus dun, la situation nest pas aussi « normale » quon le pensait, en ce qui est des rapports entre le chef de lEtat et lArmée. Le 23 juin dernier, on sen souvient, le quotidien Le Soir dAlgérie avait publié les propos dune certaine « source autorisée » du ministère de la Défense nationale (MDN). « A lépoque (NDLR : après la démission de Zeroual) notre souhait, à linstar de tous les Algériens, était de choisir le moins mauvais de tous ». Bien sûr, il sexprimait sur lactuel président, Abdelaziz Bouteflika. Le lendemain, pratiquement la totalité des titres de presse ont repris cette information et la polémique sen est suivie. Il ny a plus de consensus autour du chef de lEtat, commentaient certains. Comme riposte, les autorités ont été obligées de déterrer un entretien accordé quelques semaines auparavant par le chef dEtat-major de lANP, Mohamed Lamari au journal londonien, El Mouchahid Essiyassi, inconnu au bataillon. « Le président incarne lEtat algérien et le peuple tout entier et il est digne du respect », a-t-il déclaré et dajouter que « nul na le droit dévaluer le président Bouteflika, excepté le peuple qui la élu ».
Dans les tout premiers jours du mois de juillet, Lamari donne une conférence de presse, retransmise par lENTV, à lAcadémie militaire interarmées de Cherchell. Les mêmes confirmations ont été prononcées : il ny a aucun problème entre la Présidence et linstitution militaire et les prérogatives de chacun sont claires. LArmée a été, également, évoquée durant la période où se tenait le procès opposant lancien ministre de le Défense et général à la retraite, Khaled Nezzar, au sous-officier et auteur du livre « La Sale Guerre », Habib Souaïdia. Coïncident avec la fête de lindépendance, certains disaient que « cest un procès contre larmée algérienne ». Dès son retour à Alger, Nezzar rédige un « communiqué » (NDLR : publié par Le Soir dAlgérie dans son édition du 11 juillet dernier) dans lequel il sen prend violemment, même sans le citer, au chef de lEtat. « Sagissant de la cabale contre les généraux algériens, elle a été montée de toutes pièces par des Algériens et à partir de lAlgérie, ces trois dernières années ; depuis que larrêt du processus électoral est devenu un délit et une violence, que le terroriste sanguinaire est devenu M. Hattab », lit-on à ce propos.
Face à toutes ces polémiques, peut-on, ainsi, dire que la hiérarchie militaire ne porte plus Bouteflika dans son cur et, de facto, simplique toujours de façon directe dans les affaires politiques ? Officiellement, ce nest pas le cas, au vu des propos tenus par le général des corps darmée, Lamari.
En revanche, pour quelques observateurs, les déclarations des uns et des autres nont comme explication que le fait quil existe deux tendances au sein de lANP. Lune pro-Bouteflika et lautre contre. Vrai ou faux ?
En tous les cas, il y a des faits qui ne poussent lopinion publique quà sinterroger; notamment sur la manière avec laquelle ont été annoncées les promotions qui ont touché de hauts officiers de la hiérarchie militaire. Le 5 juillet dernier, huit colonels ont été promus au rang de généraux et deux généraux à celui de généraux major.
A ce jour, leurs noms nont pas été communiqués. Récemment, le 7 août, le général Tahar Yala a été installé par le chef d’Etat-major de l’ANP, dans ses fonctions de commandant des forces navales. Il a été désigné à ce poste par décret présidentiel signé le 16 juillet, sans quil soit rendu public en ce moment.
Tout cela pousse les observateurs et lopinion publique à se poser des questions sur les liens quentretient lArmée avec le politique. Même si, pour plusieurs dentre eux, il est évident que linstitution militaire commence à se retirer, progressivement, du devant de la scène, il y aurait, incontestablement, des résistances. Lamari avait expliqué, durant la conférence de presse quil a animée le mois dernier, que lintrusion de larmée dans le champ politique était rendue nécessaire eu égard à lampleur du danger (NDLR : 1992) auquel était, à lépoque, confronté le pays. Ira-t-on vers une autre conception de lEtat, aujourdhui ? Sur ce point, le rapport Sbih, daprès les quelques informations parvenues, en est une prémice
Ghany Aïchoune