L’abri dépend du pétrole
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 7 octobre 2008
Que de discours rassurants à Alger alors que le monde entier suppute et essaie de prendre les devants d’une crise financière qui a l’ampleur d’un tsunami !
Hier, les marchés boursiers ont connu des plongeons historiques qui sont les fruits d’anticipations très négatives. En raison du tarissement des crédits, de nombreux établissements financiers ne parviennent pas à renouveler leurs lignes de crédits auprès des banques et vendent leurs positions pour avoir du cash. L’absence d’une coordination des politiques européennes aggrave le sentiment d’improvisation et de réponse au cas par cas des gouvernements face aux faillites bancaires. Des spécialistes pensent que le marché est en train de réaliser que le plan américain de 700 milliards de dollars n’est pas suffisant. Si cette tendance se confirme dans les prochains jours, la traduction de la crise financière sur l’économie réelle risque d’être visible plus tôt que prévu.
Quel rapport avec l’Algérie dont le système est pour ainsi dire totalement déconnecté du système financier mondial ? Eh bien, c’est l’économie «réelle» dans laquelle nous sommes bien insérés, avec nos importations de produits alimentaires et pharmaceutiques et nos exportations d’hydrocarbures. En cas d’accélération du krach boursier rampant, une contraction de l’économie mondiale n’est pas impossible. Et un pétrole à moins de 80 ou 70 dollars n’est pas une hypothèse farfelue.
C’est pour cela qu’il convient d’être pédagogique au lieu de faire dans le vieux discours protecteur. Il faudra donc être précis et dire clairement que tout dépendra des prix du pétrole et de rien d’autre. Et que notre problème est là : nous n’avons pas une économie diversifiée et on dépend totalement du pétrole et du gaz. Les projets engagés ont déjà enregistré des surcoûts et il sera difficile d’en mener d’autres à bien dans l’hypothèse d’une baisse du prix du pétrole à 70 dollars.
Ne le souhaitons pas, mais autant éclairer les gens et leur dire qu’on n’est pas à l’abri de l’évolution de l’économie mondiale. Les Algériens devraient tous, chaque matin et chaque soir, vérifier les cours du pétrole. Il serait judicieux de sortir de la vieille habitude gouvernementale qui consiste à multiplier les discours rassurants en direction des Algériens au lieu de les éclairer et de leur expliquer. Qui ne se souvient du milieu des années 80, alors que les prix du pétrole avaient fait un plongeon historique, et du discours en vogue à l’époque ? On avait anticipé, hamdoulillah. La crise, on a pris les devants, on est « à l’abri ». On connaît la suite pour un pays qui ne vivait que de la rente pétrolière.
Le discours de « l’abri » n’empêcha pas les explosions sociales, ni la cessation de paiement qui nous a menés sous l’emprise du FMI. L’expérience passée devrait inciter à la prudence, même si les situations ne sont pas comparables.