Des détenus palestiniens croupissaient durant des décennies dans les sinistres geôles d’Israël : Enfin libres !
Salima Tlemçani, El Watan, 26 janvier 2025
Une semaine après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Ghaza, quatre otages israéliens ont été remis par le Hamas aux membres de la Croix-Rouge internationale (CICR). En contrepartie, Israël a libéré 200 détenus palestiniens, dont 80 condamnés, parmi lesquels 70 ont été expulsés vers l’Egypte.
Amidi pile, des milliers de Ghazaouis encadrés par de longues colonnes de combattants armés de la résistance palestinienne, en uniforme noir, le visage masqué et le front entouré d’une étoffe verte, se sont rassemblés hier à la «place des Martyrs de la Palestine», au centre la ville de Ghaza, entourée, à perte de vue, par des tonnes de décombres de bâtiments et de maisons dévastés par 451 jours de bombardements israéliens.
Une longue procession de véhicules tout-terrain, flambant neufs, arrivent sous les applaudissements de la foule. Les quatre otages, Karina Ariev, Daniella Gilboa, Naama Levy et Liri Albag, toutes des soldats en tenue militaire couleur kaki, leurs longs cheveux attachés en queue de cheval, descendent des 4X4 et marchent jusqu’à un podium, en souriant et se tenant la main.
L’une d’elles lèvent la main pour saluer la foule en liesse, pendant que les membres CICR (Comité international de la Croix Rouge) signent les documents de remise des otages qui faisaient partie d’une unité de surveillance entièrement féminine au sein de l’armée, à la base de Nahal Oz, près de la frontière de Ghaza, puis les embarquent dans leurs véhicules, pour être remises aux forces israéliennes.
La cérémonie est suivie en directe, par des centaines d’israéliens qui ont rejoint dés le début de la matinée, la «Place des otages», à travers à écran géant qui diffusent les images.
Des scènes de liesse, de pleurs, d’embrassades et d’applaudissement des familles des otages au moment de la remise de ces derniers au CICR, sont retransmises en direct sur les chaînes de télévision israéliennes.
Pendant que les quatre otages sont remis par le CICR, à l’armée israélienne, devant la prison Ofer de haute sécurité, située à l’ouest de Ramallah, en Cisjordanie occupée, un imposant dispositif militaire a été déployé en prévision de la libération des prisonniers palestiniens. Quelques heures après, trois grands bus blancs aux vitres noires quittent l’établissement sous une escorte impressionnante.
A l’intérieur, 114 prisonniers détenus, parmi lesquels le plus ancien prisonnier, soit 36 ans de détention, sont transférés au centre-ville de Ramallah, où une marée humaine les attendait. Ils font partie des 200 prisonniers du Djihad islamique, du Fatah, du Front populaire, du Front démocratique et du Hamas, devant être libérés. Les scènes de liesses et de retrouvailles sont indescriptibles.
Les 200 prisonniers devant être libérés étaient rassemblés dans les prisons d’Ofer et de Ketsiot, dans le désert du Neguev. A Ghaza, l’armée israélienne met en garde la population contre un éventuel retour vers le Nord. Le bureau de Netanyahu a, dans une déclaration, annoncé que le retour des Palestiniens «ne sera pas autorisé tant que l’otage civil Arbel Yehud, n’est pas libéré», avant d’accuser le Hamas d’avoir violé l’accord.
Des consignes ont été données pour tirer sur toute personne qui tentera de franchir le corridor Netzarim, alors que selon l’accord, dès l’échange des otages contre les prisonniers palestiniens, en ce huitième jour de la trêve, les Palestiniens pourront se déplacer pour rentrer chez eux au centre ou au nord de Ghaza, en passant par le corridor Netzarim.
En réaction le Djihad islamique a répondu qu’Arbel Yehud «est vivante» et précisé qu’il s’agit «d’une militaire juive entraînée dans le cadre du programme spatial de l’armée israélienne. Elle sera libérée samedi prochain, selon les conditions de l’accord comme convenu».
Des médias israéliens ont affirmé, quant à eux, en se référant à des sources militaires anonymes, que «l’armée voulait savoir si Irbil était toujours vivante». La veille, les Israéliens avaient dénoncé aussi ce qu’ils ont estimé être «une violation de l’accord par le Hamas» en annonçant qu’il libérerait les quatre femmes soldats au lieu des femmes civiles, tout en soulignant que l’Etat hébreu procédera à l’échange.
Malgré les affirmations des responsables du Djihad islamique, qui détient l’otage israélien, Arbel, l’armée israélienne n’a pas hésité à tirer sur les premiers Palestiniens qui ont tenté d’emprunter la rue Errashid, dans la région d’Al Wadi, sur la côte, au centre de Ghaza, faisant au moins un blessé.
Les autorités de Ghaza demandent à la population «d’attendre les consignes avant de prendre la route». Israël persiste à interdire à la population, qui attend par dizaines de milliers le retour vers le centre et le nord de l’enclave. Au centre de Ghaza, l’accueil des 16 Palestiniens libérés est impressionnant.
Israël tire sur les déplacés en route vers le nord
Dans les bus du CICR qui les ont accompagnés jusqu’au centre de Ghaza, des scènes de joie, des signes de victoire et des larmes d’émotion constituent l’expression de ces ex-prisonniers, qui descendent des bus, tous vêtus de survêtements gris, à la rencontre des leurs. Nombreux parmi eux sont hissés sur les épaules des personnes qui attendaient, tandis que d’autres marchaient parmi une foule hystérique de joie. Ces scènes émouvantes sont également perceptibles à Kahn Younès, vers où 16 ex-détenus ont été transférés pour des visites médicales, à l’hôpital européen.
Malheureusement, parmi les 200 prisonniers palestiniens libérés, 70 condamnés à la prison à vie ont été acheminés de la prison de Ketsiot du désert de Neguev jusqu’aux la frontières avec l’Egypte pour être expulsés, en vertu de l’accord de cessez-le-feu. Les médias publics égyptiens confirment leur arrivée par des bus et leur transfert vers des hôpitaux pour y être soignés.
Un responsable palestinien proche des négociations, écrit l’agence de presse britannique, Reuters, que «certains des prisonniers libérés en Egypte resteraient dans ce pays, tandis que d’autres pourraient se rendre en Algérie, au Qatar ou en Turquie». En milieu d’après-midi, le CICR annonce, dans un communiqué, avoir achevé la deuxième phase des opérations de libération à Ghaza et en Israël. «Cette phase a débuté par le transfert en toute sécurité de quatre otages de Ghaza, aux autorités israéliennes.
Tout au long du processus de libération, la principale préoccupation du CICR a été d’assurer le transfert en toute sécurité des otages. C’est une responsabilité que nous prenons au sérieux», a écrit le CICR dans son communiqué en soulignant qu’il «a ensuite facilité la libération et le transfert de 128 détenus des centres de détention israéliens vers Ghaza et la Cisjordanie (occupée, ndlr), après des entretiens préalables au départ visant à confirmer leur identité et à évaluer leur état de santé et leur aptitude à voyager».
En outre, l’organisation explique que parallèlement à ce travail, «les équipes du CICR ont mené des entretiens préalables au départ des détenus avant une libération et un transfert séparés organisés par les autorités». Selon le CICR, au total, «200 détenus ont été libérés aujourd’hui (hier, ndlr). Nos activités au cours de ces opérations sont conformes aux procédures de travail habituelles du CICR dans les lieux de détention du monde entier».
Le CICR précise qu’en outre, en plus des opérations de libération, le CICR travaille également avec ses partenaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour acheminer davantage d’aide à Ghaza. «Cela comprend de la nourriture, des fournitures médicales, ainsi que des articles destinés à soutenir les infrastructures essentielles, telles que les systèmes d’approvisionnement en eau, de traitement des eaux usées et d’alimentation électrique», écrit-il dans son communiqué. Pendant ce temps, deux autres Palestiniens ont été blessés par l’armée israélienne sur les routes Salah Eddine et Errashid, au centre de Ghaza, portant le nombre de victimes à un mort et trois blessés.
«Nous resterons à Netzarim jusqu’à nouvel ordre»
En fin d’après-midi, une imposante foule de familles palestiniennes s’est rassemblée, non loin de cette zone, dans l’espoir de prendre la route du retour vers le Nord, attendant le feu vert pour entamer le chemin du retour, comme le prévoit l’accord, mais l’armée israélienne, qui était censée se retirer hier du corridor Netzarim, en a décidé autrement. Bon nombre de ces familles ont rebroussé chemin, d’autres y sont restées avec leurs affaires.
En ce huitième jour de la trêve, après la libération des otages et des prisonniers, le mouvement à pied de la population entre le sud, le centre et le nord de l’enclave est autorisé à travers la rue Errashid qui longe la côte, alors que les voitures peuvent prendre le carrefour des Martyrs, à Netzarim, et la rue Salah Eddine, après leur contrôle par des appareils.
Israël a maintenu sa décision de maintenir le passage vers le nord fermé, jusqu’à ce que la libération du civil Arbel Yehud qui, selon lui, devait être libérée hier, «puisse être organisée». Pour les médias israéliens, cette décision a été prise, vendredi dernier, lors d’un Conseil de sécurité, après la remise par le Hamas, de la liste des otages qu’il devait libérer hier.
La réaction du mouvement de la résistance palestinienne ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, publié hier fin de journée, la direction du Hamas a dénoncé «la violation de l’accord par Israël, en fermant la route Errashid, empêchant les déplacés de marcher du sud vers le nord».
Il a tenu «l’occupation responsable pour toute obstruction de l’exécution de l’accord et ses conséquences». Selon le site israélien Walla, citant des responsables de l’Etat hébreu sans les nommer, Israël «a demandé aux médiateurs de travailler à la libération de Yehud Arbil avant samedi prochain de manière séparée. Si elle est libérée, le retour de la population vers le nord se fera avant samedi». Pour sa part, le journal Yedioth Ahronot évoque des négociations dans les coulisses pour libérer l’otage. «(…) Aussi tôt Arbil sera libérée aussi tôt le retrait de Netzarim sera plus tôt .»
D’autres médias, affirment en outre, que le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Herzi Halevi, s’est réuni avec les commandements régionaux «pour une évaluation». Selon la presse locale, l’armée a déclaré que Halevi avait «discuté des préparatifs de l’armée dans la zone du corridor de Netzarim, dans le centre de Ghaza, et avait souligné la volonté des troupes d’y rester jusqu’à nouvel ordre».
Décision réaffirmée par le porte-parole de l’armée, le colonel Avichay Adraee, à travers un post sur X (anciennement Twitter) dans lequel il averti en langue arabe : «Nous confirmons que toutes les instructions que nous avons émises sont toujours en vigueur, en particulier l’interdiction de s’approcher du corridor de Netzarim jusqu’à ce qu’il soit annoncé qu’il est ouvert.
Les instructions resteront en vigueur jusqu’à ce que de nouvelles instructions soient émises lors de la transition vers l’étape suivante de l’accord et après que le Hamas ‘‘ait rempli’’ ses engagements.» Visiblement, Israël fait pression sur le Hamas pour que l’otage Arbil soit libéré avant samedi prochain, et fait de lui, un moyen de chantage. Mais, le Hamas n’a toujours pas fléchi sa position. S. T.