La fracturation hydraulique pour le gaz de schiste reste-t-elle à l’ordre du jour?

La fracturation hydraulique pour le gaz de schiste reste-t-elle à l’ordre du jour?

El Watan, 30 Octobre 2015

Le mouvement citoyen de In-Salah appuyé au niveau national et international a contribué fortement à arrêter la destructive fracturation hydraulique utilisée pour explorer puis exploiter les gisements de gaz de schiste. La place Soumoud s’est mise en « mode veille », titre un reportage d’El Watan.

La fracturation hydraulique pour repérer puis pour exploiter le gaz de schiste a -t-elle été reportée à plus tard ou carrément abandonnée? Le projet d’ouvrir de nouveaux puits pour explorer les gisements ne semble pas à l’ordre du jour dans l’immédiat.  » Nous savons, aujourd’hui, que ce projet n’est pas rentable » reconnaît ce matin Abdelmadjid Attar, l’ancien PDG de Sonatrach et star du parti du gaz de schiste. « Aujourd’hui »? précise-t-il. On sait qu’il préconise depuis trois ans des investissements rapides pour lancer sur une vaste échelle le processus exploration-exploitation. Et il ne semble pas avoir abandonné l’espoir d’une reprise des forages.

El Watan-weekend rapporte l’avis de quelques professionnels sur ce sujet. Extraits.

Rabah Reghis, consultant et économiste spécialiste des hydrocarbures et membre du Collectif national pour un Moratoire sur les gaz de schiste (CNMGS): « Avec quoi voulez-vous que l’Etat finance un investissement très coûteux comme celui du gaz de schiste dans une période où plusieurs projets d’utilité publique ont été abandonnés à cause de la chute du prix du baril ?»

Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach n’est pas de cet avis. Pour lui, le gaz de schiste représente l’avenir énergétique de l’Algérie. «Le secteur de l’énergie a décidé de promouvoir la recherche dans l’immédiat et l’exploitation future de ce gaz si les premiers résultats sont positifs et non contraignants, parce qu’il a dû prendre conscience de l’épuisement rapide de nos ressources dans les décennies à venir, et par conséquent de la nécessité de préparer dès maintenant les moyens et les ressources pouvant assurer la sécurité énergétique du pays dans 15 à 20 ans au plus tard».

Rabah Reghis réplique : «L’Etat a fait croire qu’en exploitant le gaz de schiste, il allait couvrir le déficit causé par la baisse du prix du baril. C’est faux. Car il y a 1,6 million de kilomètres carrés non exploités encore de gaz conventionnel. Et puis, nous n’avons même pas écoulé les quantités du gaz produit.» L’Algérie dispose encore de 4500 milliards de mètres cubes de réserves en gaz conventionnel. Le prix à la vente des deux gaz, conventionnel et non conventionnel, est le même. La seule différence réside dans leur coût de production. Le gaz de schiste revient plus cher. Quant aux réserves algériennes des deux gaz, elles sont, selon les experts, presque les mêmes.

Mohamed Saïd Beghoul, ancien directeur de la Division exploitation Oil&Gaz de Sonatrach, explique que l’Algérie a été prise à contre-pied par les estimations surévaluées données par les Etats-Unis : «C’est l’Agence américaine de l’énergie, spécialiste dans l’évaluation des réserves, qui a fait croire à l’Etat que l’Algérie possédait d’énormes quantités de gaz de schiste. Elle les a estimées à 20 000 milliards de mètres cubes. Ce qui nous met à la 3e place mondiale. Et puis, l’Etat a découvert que ces chiffres étaient surestimés. Nos réserves en gaz de schiste sont évaluées à seulement 5000 milliards de mètres cubes.»

Rabah Reghis ajoute : «Ce projet n’a pas d’avenir et n’existera que sur papier, car il n’est pas rentable. Le gouvernement va s’arrêter le jour où il payera plus qu’il en encaissera. D’ailleurs, aucune personne du gouvernement n’en parle depuis longtemps.» Si des tests ont été réalisés, ces experts avouent ne pas connaître les résultats. «Nous sommes au courant de tout ce qui se passe aux Etats-Unis, mais rien à In Salah. Personne n’a communiqué le débit journalier. Si le débit était bon, l’Etat l’aurait directement communiqué et la nouvelle serait à la une des journaux. Ce qui nous fait croire que les résultats ont été décevants», prédit l’ancien directeur de Sonatrach.