Les non-dits des réponses du Premier ministre

Exploitation du gaz de schiste

Les non-dits des réponses du Premier ministre

Liberté, 7 octobre 2017

Le message d’Ahmed Ouyahia n’explique pas l’empressement de l’Exécutif à ouvrir un dossier sensible, sujet à contestation.

Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, tente de rassurer l’opinion publique après que l’annonce de la décision du gouvernement d’exploiter le gaz de schiste a réveillé les velléités d’un nouveau mouvement de protestation contre cette option. “La relance du projet d’exploitation du gaz de schiste sera accompagnée d’explications et de dialogue, et rien ne sera entrepris au détriment de la santé des Algériens”, a-t-il souligné dans un message écrit, jeudi dernier, sur son site Web.
Dans ce texte, Ahmed Ouyahia n’a pas manqué de fustiger les opposants à sa démarche : “L’annonce de la relance du projet d’exploitation a réveillé les agitateurs politiques qui tentent de manipuler la population, notamment du sud du pays. Il est donc utile de rappeler que la reprise des tests (d’exploration) sera accompagnée d’explications envers l’opinion et de dialogue avec la population des régions concernées. Rien ne sera entrepris mettant en danger la santé de la population. Mais rien n’empêchera l’Algérie d’exploiter ses richesses au profit des Algériens.”
Il faut rappeler qu’en 2013, l’annonce de la volonté de l’Exécutif Sellal d’exploiter le gaz de schiste avait été accompagnée de campagnes d’explication de Sonatrach et du ministère de l’Énergie qui n’ont pu, finalement, convaincre les populations du Sud. À tel point que le chef de l’État avait alors décidé l’arrêt des travaux d’exploration entrepris à In Salah en vue de confirmer le potentiel de gaz de schiste dans la région. En somme, le président de la République avait décrété, en quelque sorte, un moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en Algérie.
Ce qui est étonnant dans le texte du Premier ministre, c’est l’absence de référence aux deux principaux griefs des populations du Sud concernant le gaz de schiste. Premier grief : l’impact négatif sur l’environnement, la fracturation hydraulique utilisée pour extraire le gaz de schiste induisant l’usage de produits chimiques qui peuvent porter atteinte aux ressources hydriques ou aux zones environnantes aux périmètres d’exploration ou aux gisements en développement.
Second grief : les besoins en eau pour la fracturation hydraulique étant tels que cela risque d’amenuiser les ressources hydriques de la région hypothéquant, du coup, le développement économique et agricole du sud du pays.
Tant qu’on n’aura pas réglé ces deux difficultés ou du moins levé ces deux appréhensions, il est vain de s’attendre à l’adhésion des populations de la région.
D’autres facteurs constituent un frein au développement des ressources en gaz de schiste. À un prix du baril de 50 dollars, il n’est pas sûr que l’exploitation de cette ressource non conventionnelle soit rentable. Les conditions, en outre, ne sont pas encore réunies en Algérie pour son exploitation : formation du personnel, acquisition du savoir-faire, moyens logistiques.
Le principal verrou étant également les moyens financiers énormes qu’il faudrait mobiliser pour développer ces ressources non conventionnelles.
Mais comment expliquer l’empressement du Premier ministre à ouvrir un dossier sensible sujet à contestation qui risque de mettre fin à la paix sociale ? Il faut voir une partie de la réponse dans son second message publié sur son site Web. “La révision de la loi sur les hydrocarbures ne portera sur aucune question de souveraineté y compris la règle du 51/49 régissant les partenariats avec les entreprises étrangères.”
En fait, cette révision de la loi sur les hydrocarbures destinée à rendre plus attractif le domaine minier national pour les investisseurs étrangers est dictée par une fatalité : face à l’explosion de la demande domestique en pétrole et en gaz, la baisse des réserves prouvées conventionnelles d’hydrocarbures que n’arrivent pas à compenser les nouvelles découvertes contraint le pays à recourir, à moyen et long termes, à ses richesses en pétrole et en gaz de schiste.
L’Algérie occupe la quatrième place dans le monde en termes de ressources en gaz de schiste techniquement récupérables. Mais pour les mettre au jour, il faudrait d’abord lever les préalables précités, engager un immense effort de formation, d’acquisition de moyens logistiques et financiers, et surtout s’assurer qu’au prix du baril de pétrole actuel, il soit rentable. Or, on en est loin aujourd’hui.

K. Remouche