Perspectives du second mandat de Donald Trump

Algeria-Watch, 06 Novembre 2024

Les élections américaines ont vu, comme l’envisageaient de nombreux observateurs, la victoire de Donald Trump. Sans même juger de la performance de la candidate Harris, il parait clair que l’électorat américain a voulu sanctionner un parti démocrate en déshérence morale, sans vision politique convaincante et plombé par un Joe Biden sans crédit. L’appareil du parti démocrate, sous la férule de ses parrains, promoteurs d’une ligne centriste sous influence néo-conservatrice, représentés notamment par les couples Clinton et Obama, a perdu de son emprise sur un électorat pourtant averti des inquiétantes dimensions néofascistes de la candidature de Trump. En dépit d’un climat économique plutôt favorable mais inégalement ressenti et obéré par les tensions inflationnistes, de nombreux électeurs acquis à ce parti ne se sont tout simplement pas rendus aux urnes. En définitive, il peut être avancé sans risques que la victoire de Trump constitue avant tout un clair désaveu de l’establishment politique démocrate.

Le discours de Donald Trump centré sur la célébration d’une Amérique mythifiée et la désignation des migrants comme les ennemis de la prospérité et de la sécurité du pays a sans doute porté. Le fait que Kamala Harris soit une femme a sans doute joué en sa défaveur, beaucoup lui reprochent également son rôle durant la crise du Covid et le fait que l’exécutif auquel elle a appartenu n’ait pas su juguler la hausse des prix et l’inflation. Le soutien éhonté au génocide perpétré par Israël de la part de l’administration Biden n’a guère pesé sur la démobilisation d’une part de l’électorat et n’a sans doute pas joué de rôle dans ce cinglant désaveu. Pour des analystes qui étudient les consultations américaines depuis fort longtemps il ne fait pas de doute que le triomphe de Trump est avant tout l’échec du parti démocrate.

Pour satisfaisante, pour certains milieux, que soit l’éviction d’une fausse alternative « progressiste », il demeure que l’élection de Trump, arabophobe convaincu et sioniste militant n’inspire pas grand optimisme pour la région ouest-asiatique. Personne n’en doute, le discours non-interventionniste de Trump sera vite mis de côté lorsqu’il s’agira de répondre aux sollicitations du lobby sioniste. Après la période de latence post-électorale, il ne peut être exclu que le soutien vigoureusement renouvelé aux criminels de Tel-Aviv se traduise par une possible intervention militaire directe contre l’Iran.

Les maximalistes sionistes ne s’en cachent pas et jubilent : cette élection ouvre une fenêtre d’opportunité inédite pour réaliser leur objectif de grand Israël, ou au minimum, de reconfiguration ethno-confessionnelle du Moyen-Orient. A cet égard, la Palestine, Gaza au premier chef, devrait être la première victime des options trumpiennes. Au plan des alliances locales, Donald Trump devrait naturellement renouer avec ses anciennes attaches politiques et affairistes, à Ryad et Abu-Dhabi principalement, mais aussi à Rabat ou son gendre Jared Kushner, acteur important de la séquence des accords de normalisation avec l’entité sioniste, a des intérêts financiers.

La question récurrente qui se pose aujourd’hui est de savoir si le président Trump maintiendra sa posture anti-guerre. Il s’agit indéniablement de la préoccupation principale de l’opinion mondiale au regard des présidentielles américaines. Le candidat Trump a réaffirmé sa position non-interventionniste à de nombreuses reprises au cours de sa campagne, articulant son refus du bellicisme démocrate et sa crainte d’un conflit mondial devant les risques de la poursuite de la guerre en Ukraine. A priori et si l’on s’en tient à ses propos réitérés, Kiev devrait donc perdre son appui principal et Moscou être débarrassé du rôle d’épouvantail confectionné par la machine de propagande occidentale.

Pour rassurant qu’il soit un tel changement de politique reste hypothétique, Trump, même s’il jouit d’une substantielle marge de manœuvre, apparaissant comme le représentant légitime de l’oligarchie américaine et bénéficiant du soutien de lobbies influents (Evangélistes et sionistes), devra tenir compte des orientations stratégiques arrêtées par le « Deep state », l’Etat profond, formé autour du Complexe Militaro-Industriel, de Wall Street et des multinationales. Il est d’ailleurs possible que Mario Rubio, une figure de l’extrême-droite aux Etats-Unis, soit nommé secrétaire d’Etat, ce qui conforterait l’aile la plus antirusse et la plus radicalement prosioniste (mais aussi pro-Makhzen) des élites à Washington.

S’il rassure les milieux échaudés par le militarisme américain, l’isolationnisme revendiqué par le leader républicain semble préoccuper les alliés asiatiques, Corée du Sud et Japon en particulier, dont les régimes ont toujours bénéficié du parapluie nucléaire américain pour leur défense. Ces pays devront donc réviser leur posture et leurs relations avec leurs voisins. Mais cela sera peut-être compensé par les effets de la posture antichinoise jamais démentie de Donald Trump. Dans cette région du monde également le propos anti-guerre de Trump pourrait, à la faveur d’une surenchère dans la guerre commerciale avec Pékin, rapidement céder le pas à l’aggravation des tensions autour de Taiwan et en mer de Chine méridionale.

Enfin, et ce n’est pas sa moindre retombée, cette victoire est un aussi très encourageante pour une extrême-droite occidentale, raciste et suprématiste, en progression continue depuis plusieurs années et en passe de prendre le pouvoir dans plusieurs pays d’Europe.
La situation internationale est marquée par une escalade de tensions de plus en plus vives. Les zones de conflits s’étendent et s’interconnectent dans une surenchère qui pourrait devenir incontrôlable. La posture occidentale en Ukraine et au Moyen-Orient, l’élargissement à l’Asie de la zone d’intérêt de l’Otan sont autant d’indicateurs d’une montée du bellicisme de l’Occident, essentiellement imputable au recul de son hégémonie et à l’émergence de pôles politico-économiques concurrents.

D’un point vue arabo-musulman, l’élection de Trump fait craindre une détérioration continue de la situation du peuple palestinien, une déstabilisation régionale accentuée de l’Asie occidentale au Maghreb. Les plans impérialo-sionistes sont porteurs de dangers pour les États et les sociétés de cette immense région. Il faut espérer que la résistance puisse faire front au colonialisme sioniste et que les dictatures arabes inféodées à l’impérialisme ne pourront-plus longtemps écraser leurs peuples et empêcher la solidarité avec la Palestine.