Le soixante-dixième anniversaire du Premier Novembre. En solidarité avec le peuple palestinien !
Algeria-Watch 1er Novembre 2024
« A vous qui êtes appelés à nous juger… » A cette adresse qui ouvre la proclamation du Premier Novembre 1954, l’Histoire et le Peuple algérien ont depuis longtemps répondu. Les générations qui se succèdent depuis cette rupture révolutionnaire ont en effet jugé les auteurs d’un des plus grands textes de Libération en les portant au pinacle de l’intelligence politique, au plus haut du courage et de la dignité humaine. Comme celles et ceux qui ont tout sacrifié pour que le peuple algérien se débarrasse de la servitude et retrouve sa souveraineté, leur mémoire est inaltérable.
De l’Algérie à la Palestine
La célébration du soixante-dixième anniversaire de l’Appel du 1er Novembre 1954 intervient dans un contexte national déprimant et un environnement global très préoccupant. Le génocide du peuple palestinien par le colonialisme sioniste porté à bout de bras par l’Occident collectif éclaire d’un jour sinistre la réalité brutale et cynique de relations internationales inégales et injustes sous domination impérialiste. Pour les Algériennes et les Algériens, qui conservent une mémoire intacte des atrocités coloniales et qui n’ignorent rien des enjeux de la confrontation en Asie de l’Ouest, cet anniversaire d’un événement majeur de l’histoire du pays sera certes commémoré mais ne pourra être fêté.
La tragédie en cours infligée à la Nation palestinienne, si proche et si chère au cœur des Algériennes et Algériens, par le suprématisme blanc et ses nervis sionistes proscrit toute idée de liesse ou de réjouissance. L’expérience d’un colonialisme de peuplement qui a violemment incorporé l’Algérie dans l’espace français durant cent-trente-deux ans jalonnés de massacres et pillages, destructions et dépossessions explique la profonde empathie pour le peuple palestinien qui subit une semblable barbarie depuis près d’un siècle. Mais, aussi longue soit-elle, la nuit coloniale trouve son terme inéluctable dans la libération des peuples et la reconnaissance de leurs droits. La révolte du peuple palestinien finira par avoir raison de la spoliation et de l’apartheid sioniste.
De l’indépendance nationale à la souveraineté populaire
Cet anniversaire intervient dans un contexte national marqué par la répression généralisée, le régime policier, frappé de sénescence et incapable de toute initiative se replie sur une posture d’oppression systématique ou tous les espaces d’expression sont cadenassés. Dans une société de plus en plus inégalitaire ou de très larges catégories sont confrontées à la grande pauvreté, aucune voix autonome n’est tolérée. La rente pétro-gazière, matrice de la prédation des chefs militaro-policiers et unique levier de gestion de la société permet de moins en moins d’atténuer la dégradation des conditions économiques et sociales de la majorité de la population. Les départs clandestins massifs de centaines de femmes et d’hommes, jeunes et moins jeunes, sur de fragiles embarcations vers l’Espagne ou l’Italie est le plus tragique constat d’échec de la gestion du pays par un autoritarisme sénile.
Le niveau inédit de paranoïa de cette dictature aux dimensions néocoloniales ne peut se mesurer qu’à l’aune de l’incompétence et de la corruption de ses personnels. Le mépris du peuple et l’étouffement des libertés est la voie choisie par des généraux, qui très visiblement ont hérité la culture et les usages des gardes-champêtres coloniaux, pour interdire toute contestation et prévenir la résurgence de mobilisations populaires dans la hantise de la résurrection du Hirak. Summum de cette obsession, les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, cause centrale dont les Algériennes et les Algériens sont naturellement les plus fervents soutiens, sont proscrites. Ainsi, outre l’emprisonnement de journalistes qui n’ont commis d’autre crime que celui d’exercer leur métier, des dizaines de citoyennes et de citoyens pacifiques pour avoir exprimé des opinions critiques sur les réseaux sociaux, sont condamnés à de lourdes peines à l’issue de procès expéditifs d’une absolue iniquité.
Il faut toutefois admettre que cette répression permanente et implacable ne s’accompagne plus systématiquement des épouvantables atteintes à la dignité humaine qui étaient il y a peu encore une pratique courante des polices du régime. Mais le fait est que l’Algérie reste, plus que jamais, le pays de la prohibition de toute expression autonome. Les relais du régime expliquent, en contradiction avec l’histoire et les réalités nationales, que l’interdiction de la politique par la dictature est justifiée par la montée de périls externes. Pourtant, c’est bien le peuple, sans tuteurs ni maîtres à penser, qui a conservé et porté les idéaux d’indépendance, c’est bien ce même peuple qui a assumé tous les sacrifices pour la libération.
Tous savent que l’environnement géopolitique du pays est en crise depuis plusieurs années, la déstabilisation prolongée en Libye et au Sahel, l’hostilité permanente du régime expansionniste de Rabat, allié stratégique du sionisme et instrument de la réaction arabe sont clairement identifiés. Tout comme chacun sait que cette réalité est aggravée par le jeu de puissances occidentales qui souhaitent maintenir leur influence dans la région par l’élimination de l’irrédentisme algérien, de ses velléités d’indépendance politique et de non-alignement. A cet égard, ce n’est pas le régime, disposé à bien des accommodements, qui est menacé mais bien l’Algérie toute entière dans son identité politique comme dans son intégrité territoriale.
De l’indestructible esprit de Novembre
Le soixante-dixième anniversaire de l’Appel du premier novembre 1954, déclenchement de la phase finale de la restauration de la souveraineté nationale est naturellement propice à l’évaluation du chemin qui reste à parcourir, l’occasion de mesurer les objectifs politiques et sociaux qui n’ont pas encore été atteints. Le bilan politique de cette période peut être facilement tiré : l’autoritarisme est la voie royale vers l’échec. L’indépendance est certes l’acquis le plus précieux mais elle exige pour sa pérennité et sa consolidation l’instauration de l’Etat de droit par l’exercice de la plénitude des libertés démocratiques. C’est toute la dimension révolutionnaire de cet appel devant l’éternité.
Au fil d’une histoire convulsive, le message de résistance conserve intacte et à chaque fois renouvelée, toute sa puissance mobilisatrice. C’est bien cette résolution réaffirmée par le Hirak qui renvoie à leur irrémédiable défaite les milieux revanchards et néocoloniaux qui souhaitent relativiser la signification de la résistance anticoloniale. Les impasses et les drames de l’indépendance ne sauraient en cas mettre en question la nécessité historique de la libération nationale. Les circonstances sanglantes de la lutte, la destruction massive des élites, l’effroyable cout humain supporté par la société expliquent pour une large part les difficultés de l’indépendance et la complexité de la restauration de l’Etat.
Soixante ans après, le legs colonial, par ses bombes à retardement politique et ses prolongements fascistes, persiste dans l’intoxication des opinions publiques par la propagande incessante de l’éradication aujourd’hui reprise et assumée ostensiblement par des supplétifs coloniaux d’un type nouveau. La médiatisation intensive des porte-voix de la renégation par l’oligarchie néocoloniale européenne n’est cependant qu’une gesticulation d’arrière-garde, ultime soubresaut d’un impérialisme effondré qui se recycle dans la guerre des civilisations, la stigmatisation et le racisme. Les colonialistes n’oublient rien, n’apprennent rien et, dans leur inextinguible rancune sans cesse ressassée, ne peuvent se résoudre à faire le deuil de leurs mythes défunts.
Dans la mémoire et au cœur du peuple algérien, l’esprit de Novembre est bien vivant, jalousement préservé par une société qui réaffirme, dans les profondeurs de sa ténacité, que ce discours de Libération est son essence politique, synthèse nationale de l’esprit de la liberté et du droit, éloge accompli de l’honneur et du refus historique de l’injustice. En dépit des régressions et des vicissitudes qui marquent une indépendance inachevée, le peuple Algérien conserve précieusement un héritage politique indestructible. Le 1er Novembre 1954 est commémoré en Algérie mais également en Palestine, au Sahara Occidental, partout où des peuples se lèvent pour secouer le joug de la tyrannie coloniale.
L’Appel du premier novembre 1954 est, davantage même que l’acte inaugural de la restauration de l’Etat Algérien, la structure fondatrice de la culture politique, humaniste et ouverte sur le monde, du peuple Algérien.
Algeria-Watch célèbre cette journée aux côtés des Algériens et Algériennes et de leurs amis à travers le monde qui ont accompagné leurs luttes pour la liberté et le droit.
Algeria-Watch, avec eux tous, exprime avec force toute son admiration et sa solidarité au peuple palestinien.