Immigration illégale : Michel Barnier prône le «dialogue» avec l’Algérie

M. Abdelkrim, El Watan, 21 octobre 2024

Le Premier ministre français, Michel Barnier, prône le dialogue concernant les Algériens frappés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche (JDD) de Bolloré, publié hier, Barnier a affirmé vouloir, «dans un esprit de dialogue», «prolonger ou reprendre les discussions» avec les pays d’origine des migrants illégaux.

«On ne le fera pas de manière agressive, mais en mettant à plat tous les outils de la coopération bilatérale», a-t-il dit, estimant qu’«il y a des pays proches de la France, comme l’Algérie et le Maroc, avec qui le dialogue est possible». «Et nous pourrons en effet examiner toutes les dimensions, si nécessaire, de la délivrance des visas à l’aide au développement», a-t-il ajouté.

Il a estimé que ce dialogue est «dans l’intérêt de tous (…)», tranchant ainsi avec le style et l’approche adoptés par son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, envers les pays qui, selon lui, «ne délivrent pas assez» de laissez-passer consulaires, entre autres l’Algérie.

Jeu de rôle ou glissement sémantique visant à tenter un dégel dans les relations entre Paris et Alger, plombées essentiellement par la reconnaissance de la France de la marocanité des territoires sahraouis occupés ? Car, rappelons-le, au lendemain de la formation du gouvernement Barnier, Bruno Retailleau, du parti de droite Les Républicains, avait promis un «bras de fer» avec l’Algérie sur la question migratoire.

S’exprimant sur la chaîne LCI, il avait d’abord soulevé la question des accords de 1968 avec l’Algérie. «Je n’ai aucun tabou. C’est un accord déséquilibré, très avantageux pour l’Algérie, désavantageux pour la France», avait-il lancé. Dans sa logique de «bras de fer», le locataire de la place Beauvau avait même suggéré le recours à trois leviers pour contraindre l’Algérie à signer les laissez-passer : la délivrance des visas, l’aide au développement et des tarifs douaniers.

Par contre, en parlant du Maroc, Retailleau l’avait qualifié de «pays ami que je respecte énormément». Ces propos ne sont, certainement, pas tombés dans l’oreille d’un sourd, côté algérien. Dans ce même contexte, Michel Barnier a, dans l’entretien accordé au JDD, souhaité «une maîtrise des dépenses» de l’aide médicale de l’Etat (AME), permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins, a rapporté hier le quotidien Le Monde.

Sans remettre en cause cette aide, dont bénéficient bon nombre d’Algériens installés en France, il a toutefois estimé nécessaire «une maîtrise des dépenses de l’AME». D’après la même source, le gouvernement s’est dit favorable, mardi dernier, à un gel des crédits consacrés à l’AME alors qu’il avait initialement prévu de les augmenter dans le budget 2025.
Le transfert de migrants «n’est pas transposable» en France

Par ailleurs, s’agissant du transfert de migrants vers des pays tiers, comme le fait l’Italie à la faveur d’un accord passé avec l’Albanie, Michel Barnier a jugé, vendredi dernier, cette démarche «non transposable» en France. «Je ne crois pas que cette idée-là soit transposable en France», a-t-il déclaré lors d’une visite à Vintimille (Italie), lieu emblématique de passage de migrants vers les pays de l’Union européenne (UE).

Il a, pour cela, évoqué des «raisons juridiques et institutionnelles», mais il s’est engagé à «coopérer encore plus avec les pays de transit ou les pays de départ». Barnier, qui s’est rendu avec Retailleau à la frontière italienne pour une réunion de travail avec deux ministres italiens (Affaires étrangères et Intérieur) sur la question de l’immigration, a annoncé qu’il se rendra à Rome en novembre pour rencontrer la Première ministre italienne, Giorgia Meloni.

Les récents propos accommodants du Premier ministre français à l’adresse de l’Algérie seront-ils à même de faire baisser la colère d’Alger après l’épisode de juillet dernier et l’alignement de la France sur les thèses marocaines. Pas si sûr. Surtout après l’intervention télévisée du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de laquelle il a, clairement, écarté l’idée d’une visite en France, en lançant : «Je n’irai pas à Canossa.» Le président Tebboune a, par la même occasion, évoqué l’accord franco-algérien de 1968.

C’est devenu un «étendard (accord, ndlr) derrière lequel marche l’armée des extrémistes» de droite en France, qui cherchent à l’abroger, a-t-il indiqué. Signé en 1968, alors que la France avait besoin de bras pour son économie, cet accord écarte les Algériens du droit commun en matière d’immigration. Ils n’ont, depuis, pas de carte de séjour en France, mais des «certificats de résidence». Ils peuvent s’établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante, et ils accèdent plus rapidement que les ressortissants d’autres pays à un titre de séjour de dix ans.