Réunion du conseil de sécurité sur la situation à Jabaliya : Inquiétudes de la communauté internationale
Salima Tlemçani, El Watan, 17 octobre 2024
38 ONG internationales dénoncent le siège de Jabaliya et les évacuations forcées, lors de la réunion du Conseil de sécurité. A l’exception d’Israël, tous les intervenants ont condamné le recours à la famine comme arme de guerre et sommé Tel-Aviv à autoriser les convois humanitaires.
Dans une déclaration commune, 38 ONG humanitaires ont tiré la sonnette d’alarme sur «la situation catastrophique» et appelé les dirigeants du monde «à mettre fin aux atrocités commises par Israël à Ghaza». Pour les signataires, «l’assaut des forces israéliennes contre Ghaza a atteint un niveau d’atrocité effroyable» et «le nord de Ghaza est en train d’être rayé de la carte».
Les signataires, parmi lesquels Oxfam, HelpAge International, Interpal Campagne de solidarité Irlande-Palestine, Secours islamique, KinderUSA, Aide médicale aux Palestiniens (MAP), Médecins du monde Espagne, Alliance des enfants du Moyen-Orient, Aide aux musulmans, Institut Novact pour la non-violence, Plan International Jordanie, Sabeel-Kairos Royaume-Uni, ont expliqué que «sous le couvert d’ »évacuation », les forces israéliennes ont ordonné le déplacement forcé d’environ 400 000 Palestiniens bloqués dans le nord de Ghaza, y compris dans la ville de Ghaza.
Il ne s’agit pas d’une évacuation, mais d’un déplacement forcé sous les tirs. Depuis le 1er octobre, aucune nourriture n’est autorisée à entrer dans la région et les civils sont affamés et bombardés dans leurs maisons et leurs tentes. Les hôpitaux, déjà débordés, reçoivent l’ordre d’évacuer, alors qu’ils manquent de carburant et de fournitures essentielles, tandis que les médecins et les infirmiers se battent pour sauver des vies avec le peu qu’il leur reste» et prennent en charge les nombreux blessés, «des enfants et les personnes âgées, victimes des frappes aériennes israéliennes (…) sans les ressources nécessaires pour les soigner».
Se basant sur le témoignage du Dr Mohammed Salha, directeur par intérim de l’hôpital Al Awda, à Jabaliya, qui décrit une «situation désastreuse», les signataires ont repris les propos du responsable : «L’armée israélienne nous a contactés à plusieurs reprises pour nous demander d’évacuer l’hôpital (…), tous les services sont remplis de blessés (…).
J’ai indiqué clairement à l’armée israélienne que nous n’évacuerions pas l’hôpital à moins que nous n’ayons des ambulances capables de préserver la vie des blessés que nous avons et d’atteindre un autre hôpital qui offre de meilleurs soins aux blessés.» Les signataires de la déclaration ont estimé que «le monde ne peut pas continuer à regarder le gouvernement israélien commettre ces atrocités sans réagir. Les dirigeants mondiaux ont le devoir légal et moral d’agir maintenant».
Ils ont rappelé l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ), qui fait injonction à Israël «de prendre les toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission de tous les actes relevant de l’article II de la Convention sur le génocide», notamment «le meurtre de membres du groupe ; l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; la soumission délibérée du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle et l’imposition de mesures destinées à entraver les naissances au sein du groupe».
La lettre de mise en garde de Washington à Israël
Mais, ont constaté les auteurs de la déclaraÂtion, «rien ne prouve qu’Israël ait respecté ces ordres, et les massacres de Palestiniens n’ont fait que s’intensifier». Ils ont mis en garde l’entité sioniste en lui rappelant aussi que «toute tentative visant à altérer l’intégrité territoriale de Ghaza constitue une violation flagrante du droit international. Cela est particulièrement flagrant à la lumière de l’avis consultatif récent de la CIJ, qui renforce considérablement l’obligation des Etats tiers de prendre des mesures décisives. S’ils ne le font pas, ils risquent de se rendre complices de la perpétuation de l’occupation illégale».
Pour les signataires, «les civils ne doivent pas être contraints de fuir pour recevoir de l’aide. Ceux qui choisissent de rester chez eux doivent être protégés par le droit international». Les auteurs de la lettre ont exigé «un cessez-le-feu immédiat et la fin de l’occupation illégale d’Israël», appelé les dirigeants du monde à agir conformément à la décision de la CIJ et remplir «leur obligation de ne pas faciliter ni soutenir l’occupation illégale d’Israël». «Les Etats tiers doivent cesser immédiatement de transférer toutes les armes, pièces et munitions qui pourraient être utilisées pour commettre de nouvelles violations du droit international humanitaire (…).
Ce n’est pas le moment de se taire, c’est le moment d’agir. Près de deux semaines après le siège de Jabaliya, les bombardements, les destructions et les tirs d’artillerie, une bonne partie de la population n’a pas obéi aux ordres d’évacuation visant à la déplacer vers le sud de Ghaza.» Dans un témoignage poignant, le directeur de l’hôpital Kamel Adwan, à Jabaliya, a parlé d’une «situation catastrophique» à Ghaza, où le Nord «subit une extermination» et exhorté les dirigeants du monde à «mettre fin immédiatement aux horreurs commises par Israël».
Israël est en train d’utiliser deux armes en même temps, les bombardements et la famine, pour chasser la population de Jabaliya, suscitant la condamnation de tous les experts de l’Onu et des responsables des agences onusiennes, ainsi que de nombreux pays qui n’ont pas pris de gants pour mettre en garde contre la détérioration de la situation humanitaire.
Au début du mois d’octobre en cours, l’Etat hébreu a décidé de fermer tous les points de passage vers Ghaza, interrompant ainsi les livraisons de nourriture et de fournitures essentielles à plus de 400 000 Palestiniens, qui se sont retrouvés dans une situation désastreuse, suscitant de vives inquiétudes et des mises en garde de l’Onu. Allié principal d’Israël, Washington, et pendant que la nouvelle batterie de défense était livrée à l’Etat hébreu (avec l’envoi d’une centaine de militaires américains pour la faire fonctionner), «demande», dans une lettre fuitée par des médias israéliens, de «laisser l’aide humanitaire entrer à Ghaza», sous peine «d’annuler» l’aide militaire.
Les deux responsables ont, en réalité, fait valoir une loi américaine qui oblige les Etats qui reçoivent de l’aide militaire américaine et qui sont dans un conflit armé à autoriser le transfert des aides humanitaires soutenues par les USA et sans interruption. Ils sont aussi soumis au contenu du mémorandum de sécurité national signé par le président Biden au mois de février dernier, allant dans le même sens. Le non-respect de ces engagements sous-entend la suspension de l’aide militaire américaine.