Les hôpitaux sommés de cesser leurs activités : Israël s’acharne sur le nord de Ghaza

Amel Blidi, El Watan, 10 octobre 2024

Les troupes israéliennes ont justifié leurs actions par la rengaine habituelle, en affirmant que le Hamas tenterait de «reconstruire ses infrastructures militaires dans cette région».

L’offensive israélienne se poursuit sans relâche dans le nord de la bande de Ghaza, piégeant des centaines de milliers de civils au cœur de l’une des pires guerres de ces dernières décennies. Depuis le début de l’escalade en octobre 2023, les bilans humains n’ont cessé de croître de manière alarmante. Le dernier décompte, fourni par le ministère de la Santé de Ghaza, fait état de plus de 42 010 morts et 97 720 blessés, des chiffres bien en deçà de la réalité. Hier, 45 Palestiniens ont été tués et 130 autres blessés.

La ville de Jabalia, dans le nord de Ghaza, est au cœur de cette nouvelle phase d’offensive terrestre et aérienne israélienne. Les forces d’occupation israéliennes affirment avoir encerclé cette zone, empêchant toute circulation et isolant de facto ses habitants.

Les troupes israéliennes ont justifié leurs actions par la rengaine habituelle, en affirmant que le Hamas tenterait de «reconstruire ses infrastructures militaires dans cette région». Ahmad El Kahlout, directeur de la Défense civile du nord de Ghaza, souligne la gravité de la situation : «Les bombardements s’intensifient, visant les civils et leurs maisons, provoquant une terreur indescriptible parmi les habitants.» Jabalia, ainsi que les villes voisines de Beit Lahia et Beit Hanoun sont, désormais, sous siège. Aucun ravitaillement ne peut entrer, plongeant la population dans une détresse humanitaire grandissante.

Les équipes de secours peinent à se déplacer en raison des dangers omniprésents, empêchant toute prise en charge adéquate des blessés. «Les routes ont été fermées, et un siège continu a été mis en place pour le quatrième jour consécutif, sans qu’aucun approvisionnement n’entre dans le gouvernorat de Ghaza nord», a dit Ahmad El Kahlout. «Un grand nombre» de personnes sont mortes dans le nord du territoire lors des dernières opérations israéliennes, a-t-il affirmé, relevant que le décompte des victimes était entravé par «la difficulté d’accéder à toutes les zones» touchées.

Fadel Naeem, directeur de l’hôpital Al Ahli à Ghaza, a déclaré que son établissement avait reçu des dizaines de morts et de blessés provenant de tout le nord de la bande de Ghaza depuis que les forces d’occupation israéliennes ont lancé leur assaut aérien et terrestre ce mois-ci. «La situation est tendue. Nous avons déclaré l’état d’urgence, suspendu les opérations chirurgicales programmées, et renvoyé les patients dont l’état est stable pour accueillir le nombre croissant de blessés en provenance du nord», a-t-il expliqué à la chaîne El Jazeera. 400 000 personnes piégées à Jabalia

Naeem a ajouté que trois hôpitaux situés plus au nord – Kamal Adwan, Awda et l’hôpital indonésien – sont désormais presque inaccessibles, l’armée israélienne ayant ordonné l’évacuation des patients et du personnel de ces établissements. Les hôpitaux du nord de Ghaza ont été sommés par l’armée d’occupation israélienne, au cours des dernières 24 heures, d’évacuer et de cesser leurs activités en raison de l’intensification des opérations militaires dans le camp de réfugiés de Jabaliya. «Ce qui se passe en ce moment, c’est que les équipes médicales quittent les hôpitaux, laissant derrière elles un nombre très limité de médecins avec les patients restants, faute d’intervention internationale pour organiser leur évacuation», a-t-il précisé.

Environ 400 000 personnes restent piégées dans le camp de réfugiés de Jabalia, essayant de fuir vers la ville de Ghaza, mais les routes sont bloquées. Ces ordres d’évacuation ont été adressés aux habitants de Jabaliya, Beit Hanoun et Beit Lahiya, les trois principales villes du nord de Ghaza. Les familles, conscientes que les bombardements frappent également le sud, hésitent à y aller, mais elles n’ont d’autre choix, car elles n’ont nulle part où se réfugier. Le ministère de la Santé de Ghaza a tiré la sonnette d’alarme : sans l’approvisionnement en carburant, les infrastructures hospitalières risquent de s’effondrer totalement, privant des milliers de blessés de soins vitaux.

Des frappes ont également touché des zones résidentielles, notamment une tente abritant des personnes déplacées à Nuseirat, au centre de Ghaza, causant la mort de trois Palestiniens. D’autres raids nocturnes ont frappé les quartiers de Shujaiya et Nuseirat, où douze personnes, dont neuf membres d’une même famille, ont péri sous les décombres de leur maison. Les images des rues jonchées de corps à Jabaliya, postées sur les réseaux sociaux montrent la brutalité des bombardements qui se poursuivent sans relâche.

A chaque instant, les Palestiniens de Ghaza sont confrontés à la mort ou à des blessures graves, piégés dans un territoire où aucun lieu n’est sûr. Selon le Croissant-Rouge palestinien, ses équipes sont débordées par les appels désespérés, mais ne peuvent pas intervenir dans la plupart des cas, en raison des tirs à vue des soldats israéliens dans certaines zones, notamment à Beer Al Naja, à l’ouest de Jabaliya. La zone est devenue un théâtre de guerre où se croisent des tirs d’artillerie, des frappes aériennes et des combats au sol, rendant toute évacuation de blessés quasi impossible. Crainte d’une crise humanitaire

Le siège qui s’installe autour du nord de Ghaza empêche non seulement l’évacuation des civils, mais rend aussi toute aide humanitaire presque impossible. Les Nations unies et diverses ONG ont appelé à plusieurs reprises à la création de corridors humanitaires, sans succès jusqu’à présent. La crainte est que la situation, déjà désastreuse, ne dégénère en une crise humanitaire d’une ampleur sans précédent. La fermeture des routes, combinée aux frappes continues, a considérablement réduit l’accès aux ressources essentielles : eau, nourriture, médicaments.

Le gouvernement de droite israélien se montre inflexible, malgré la pression internationale croissante pour un cessez-le-feu temporaire qui permettrait d’acheminer de l’aide. Mais alors que Ghaza sombre chaque jour un peu plus dans la destruction, l’onde de choc de la guerre se fait ressentir en Israël pour la première fois depuis le 7 octobre. A Hadera, en Israël, une attaque au couteau a blessé six personnes, dont deux gravement. Cette attaque est la première de ce genre sur le sol israélien depuis plusieurs semaines. Les forces d’occupation sionistes ont par ailleurs fermé, hier, la mosquée Al Ibrahimi, dans la ville d’El Khalil en Cisjordanie occupée, jusqu’à samedi soir prochain, pour permettre aux colons de célébrer l’une de leurs fêtes.

Soulignant que cette fermeture comprend le verrouillage des portes principales de la mosquée et l’interdiction à tous ses employés d’être présents à l’intérieur, Abu Sneineh a indiqué que l’entité sioniste transforme tous les quartiers de la vieille ville, les environs de la mosquée Ibrahimi et les quartiers adjacents en casernes militaires, et intensifie le déploiement de ses soldats sur différents axes principaux de la région. Toutes ces mesures visent à permettre à des centaines de colons de prendre d’assaut la mosquée, selon Abu Sneineh qui qualifie ce comportement du gouvernement d’occupation de raciste et de violation de la liberté de culte et d’accomplissement de rituels religieux et de prières pour les musulmans qui ont droit à cette mosquée purement islamique.

Les forces d’occupation sionistes transforment les fêtes juives en une escalade de leurs mesures et procédures arbitraires et oppressives visant à restreindre la vie du citoyen palestinien, à paralyser ses mouvements, et à porter atteinte aux piliers de l’économie et les moyens de subsistance des citoyens, et à pratiquer les formes d’abus les plus horribles aux postes de contrôle de l’occupation qui coupent les territoires palestiniens occupés, et donner l’occasion d’intensifier les incursions des groupes juifs extrémistes contre la mosquée Al Aqsa à Al Qods et la mosquée Ibrahimi à El Khalil.

La Bolivie se joint à la plainte contre Israël

La Bolivie s’est jointe à la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre l’entité sioniste, pour le crime de génocide qu’elle commet à Ghaza, a annoncé la plus haute juridiction de l’ONU, mercredi. «La Bolivie, se référant à l’article 63 du Statut de la Cour, a déposé hier (mardi) au Greffe une déclaration d’intervention en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Ghaza», a indiqué la Cour sur son site. L’Afrique du Sud a déposé sa plainte le 29 décembre 2023 devant la CIJ, plus haute juridiction de l’ONU. Pretoria accuse l’entité sioniste de violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans son agression militaire à Ghaza.