De la victoire électorale aux européennes de l’extrême-droite française
Omar Benderra, Algeria Watch, 09 juin 2024
Le résultat de cette consultation était parfaitement anticipé. Il n’y aucune surprise et la dissolution de l’Assemblée n’en est pas une. Les « décideurs » du capitalisme français ont tout fait depuis plus de 20 ans pour stimuler l’ascension et la banalisation des idées d’extrême-droite dans la société. Les médias jouent un rôle décisif dans la configuration de l’opinion et la formation de l’idéologie dominante. E. Macron a manifestement (et très consciemment) contribué à l’ascension de cette extrême-droite xénophobe dans la continuité de l’action de ses deux prédécesseurs immédiats. Au prétexte de « faire barrage » aux idées extrêmes, ces acteurs sans grande envergure les ont définitivement ancrées dans le paysage politique français.
Aujourd’hui le Rassemblement National et Reconquête (E. Zemmour) constituent quasiment 40% du corps électoral effectif (ceux qui votent). La droite radicale a acquis une respectabilité perdue depuis la fin de la seconde guerre mondiale et les diatribes violemment racistes ne choquent plus grand monde. L’objectif est d’autant plus atteint que le consensus de gouvernement, néolibéral et atlantiste, est visiblement partagé par l’essentiel des organisations politique, de l’extrême-droite à la droite classique en passant par la social-démocratie. Seule la France Insoumise fait figure de mouton noir au sein d’un troupeau très monochrome.
Cette « irrésistible montée » (pour citer Brecht) de la droite radicale ne doit rien au hasard ni aux vicissitudes des controverses politiques, elle ressort d’une volonté politique et de choix délibérés. Comme lors de chacune de ses crises majeures, le capital a besoin, à échéance rapprochée aujourd’hui, d’un exécutif fort, populaire et légitime, capable d’assumer ou d’imposer des décisions critiques à la société. Les éléments de crise interne susceptibles d’évoluer vers une déstabilisation générale comparable à l’épisode « gilets jaunes » sont en effet très perceptibles. Mais ce sont les dimensions de politique étrangère qui ouvrent sur les enjeux primordiaux de la guerre ou de la paix.
On l’observe depuis plusieurs mois : l’Union Européenne dérive inexorablement vers une confrontation directe avec la Russie (la France jouant un rôle significatif dans l’escalade guerrière en cours) et il est clair que ce conflit ne sera pas limité à ce continent. Dans l’hypothèse d’une guerre européenne, il est probable que les tensions croissantes entre la Chine et les Etats-Unis dégénèrent aussi en confrontation ouverte.
A ce tableau il faut ajouter la guerre atroce contre le peuple palestinien qui a très nettement dégradé l’image d’Israël dans la société au grand dam d’élites politiques très largement favorables au sionisme. Le contrefeu le plus efficace pour annuler, ou au moins réduire, le retournement de l’opinion vers le soutien aux palestiniens est de souffler sur les braises islamophobes et arabophobes. Qui est plus indiqué que l’extrême-droite pour entretenir ces braises jamais éteintes d’une haine ancienne et l’orienter vers le soutien à Israël ?
C’est dans ce cadre et dans ces perspectives qu’il faudrait inscrire les jeux politiques français actuels.