Présidentielle 2024 : l’heure des manœuvres

Radio M | 05/03/24

Alors que la scène politique donne l’impression d’être figée, les partis politiques sortent progressivement de leur mutisme pour tenter de faire entendre leurs voix.

Raison de ce réveil : l’enjeu de la présidentielle prévue dans neufs mois. C’est le chef du parti islamiste, El Bina, Abdelkader Bengrina, qui a ouvert le bal en évoquant un éventuel report de cette élection et la perspective de passage de témoin à la nouvelle génération.

Dans une rencontre avec les militants de sa formation politique, Bengrina a fait le lien avec la situation politique au Sénégal où la présidentielle qui devait se tenir le 24 février passé a été renvoyée. « On ne peut pas prédire ce qui pourrait se passer d’ici là. Peut-être qu’il n’y aurait pas d’élection. Regardez ce qui s’est passé au Sénégal » avait-il déclaré.

Sous-entendu : un éventuel second mandat de Tebboune est exclu. Cette sortie d’un homme connu pour sa proximité avec certains cercles du pouvoir n’était pas fortuite, selon les observateurs. Elle révèle dans une certaine mesure les « divergences » au sommet concernant la prochaine présidentielle. Bien qu’ignorée par la presse, cette sortie a été saisie par certains youtubeurs, relayé sur les réseaux, pour ouvrir un début de spéculations sur les enjeux du prochain rendez-vous électoral.

L’agence de presse officielle, APS, avait réagi à ces « rumeurs » concernant un éventuel report de la présidentielle de décembre 2024. Dans un texte, largement repris sur les réseaux sociaux, et adressé à « Messieurs du Makhzen marocain », l’APS soutenait que « les élections se tiendront dans les délais prévus par la Constitution algérienne ».

Et depuis même les partis politiques se sont lancés dans le bain pour exprimer leur position sur cette échéance. Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), Zoubida Assoul, a annoncé officiellement sa candidature à la présidentielle de décembre 2024.

La décision de se porter candidate a été prise à l’issue de la première session ordinaire du conseil national de l’UCP, qui a eu lieu le 1er mars 2024 à Alger. Selon un communiqué de l’UCP, « le conseil national du parti a décidé de la participation aux élections présidentielle de 2024, comme le stipule l’article 15 des statuts et au vu des derniers développements de la situation que vit le pays ».

Pour sa part, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) a également annoncé sa participation à la prochaine élection présidentielle. Une annonce faite récemment par le président du parti Abdelali Hassani. Le parti islamiste était la première formation politique à afficher clairement ses ambitions concernant la présidentielle de décembre 2024.

« Nous n’avons jamais tourné le dos à un scrutin et nous ne boycotterons pas un rendez-vous électoral. Nous participerons d’une manière ou d’une autre à la prochaine présidentielle », avait noté Abdelali Hassani qui, en revanche, n’a pas dévoilé l’identité du futur candidat de son parti.

Interrogé sur une éventuelle candidature de Abderrazak Makri, qui a dirigé le parti islamiste durant deux mandats, l’actuel patron du MSP a souligné que lui-même en tant que président du Mouvement ne peut dire s’il sera candidat ou pas. « C’est au conseil consultatif d’en décider, personne ne peut décider seul d’être candidat au nom du parti » avait-il affirmé. Le conseil consultatif du parti tiendra sa session ordinaire juste après le Ramadhan.

De son côté, Le Front des forces socialistes (FFS) a exprimé vendredi sa pleine détermination à contribuer à faire de l’élection présidentielle de 2024 l’occasion d’un grand débat national.

« Quelque que soit la forme que décideront en toute autonomie nos instances nationales, le FFS, fort de ses propositions, exprime sa pleine détermination à contribuer à faire de ce rendez-vous avec la Nation l’occasion d’un grand débat national qui posera les jalons d’une Algérie souveraine, libre et prospère », avait déclaré le premier secrétaire national du FFS, Youcef Aouchiche.

Le FFS n’a pas précisé s’il présentera ou non un candidat pour ce rendez-vous électoral. Cependant, il a affirmé « que la décision finale du FFS ira dans le sens de l’intérêt national et sera conforme aux objectifs fixés par les résolutions du 6ème Congrès ».

Le parti des travailleurs (PT) quant à lui, n’a pas tranché concernant sa position vis-à-vis de la prochaine présidentielle. Sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, avait abordé cette question sans donner de détails, soulignant que la décision finale revenait au comité central de son parti qui se réunira après l’Aïd. Cependant, la première responsable du parti a appelé « à la mise en place des conditions idéales pour réussir le prochain scrutin et immuniser, de ce fait, le pays ».

Enfin, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, a posé Samedi un certain nombre de conditions concernant la participation de son parti à ce rendez-vous électoral. « Comme tout parti politique, le RCD aspire à accéder au pouvoir, cependant, il faut qu’il y ait des mesures d’apaisement à prendre. Des mesures qui peuvent contribuer à la mobilisation des Algériens pour cette élection. Nous exigeons l’arrêt de la répression qui touche l’activité politique et la libération des détenus d’opinion et l’ouverture du champ médiatique. La présidentielle engage le destin de toute une nation pendant cinq ans », avait-il déclaré.

Ces positionnements qui n’ont pas pour l’heure l’écho auprès de la population indiquent clairement que les partis ne veulent pas rater cette échéance pour leur assurer la visibilité et même d’aspirer à accéder au pouvoir pour peu que les conditions soient réunies. Mais d’ici l’échéance, beaucoup de questions demeurent en suspens.

Sauront-ils mener leur campagne dans un climat d’ouverture. Et pour l’heure, force est de constater que la scène politico médiatique est verrouillée, comme en témoigne le peu d’écho donné par les médias aux annonces des partis.

Le pouvoir va-t-il décréter des mesures d’apaisement pour créer les conditions d’une compétions sereine ? En tous cas du côté de la population, cette échéance ne semble pas constituer son souci. Elle donne l’impression d’être résignée, préoccupée par les conditions sociales. Encore plus à la veille de ramadan. Du côté du pouvoir aussi, aucun signe n’est donné se référant au prochain rendez-vous électoral même si les observateurs décèlent à travers certaines mesures décidées récemment, comme l’augmentation des salaires au profit des fonctionnaires, une certaine volonté chez le chef de l’Etat de rempiler pour un second mandat.