Alors que la famine menace Ghaza: Des pays occidentaux veulent le démantèlement de l’UNRWA

Mohamed Mehdi, Le Quotidien d’Oran, 29 janvier 2024

La complicité des pays de l’Occident avec Israël, en particulier celle des Etats-Unis, du Canada, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Italie, soutiens indéfectibles de la politique génocidaire de l’entité sioniste à Ghaza, est passée depuis samedi à un niveau supérieur. Après avoir constaté l’échec cuisant enregistré par Israël devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), ces pays, souvent donneurs de leçons en matière de « droits de l’Homme » et de « libertés », s’engagent ouvertement, maintenant, à faire souffrir davantage les Palestiniens de Ghaza en leur coupant les aides humanitaires. Leur (ancienne) nouvelle stratégie est de pousser au démantèlement de l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.

Cette nouvelle démarche criminelle, qualifiée de « démarche politique coordonnée » par un ancien responsable de l’UNRWA, qui accompagne les fournitures d’armes et de munitions à Israël, qui ont fait plus de 100.000 victimes (entre martyrs, disparus et blessés) en 110 jours à Ghaza, est adoptée au moment où l’occupation poursuit ses violents bombardements faisant davantage de victimes civiles dont 70% sont des enfants et des femmes.

Au 114e jour de son agression contre Ghaza, le bilan des bombardements de civils de l’armée sioniste est de 26.422 martyrs (en plus des 8.000 disparus sous les décombres) et 65.087 blessés depuis le 7 octobre 2023, a affirmé, hier, le ministère la Santé de la bande de Ghaza, ajoutant que l’occupation a commis, au cours des précédentes 24 heures, pas moins de 19 massacres, faisant 165 martyrs et 290 blessés.

Hier, dimanche, les bombardements sionistes se sont poursuivis à Khan Younes et Rafah au sud, et à Haï Zaytoun dans la ville de Ghaza.

Un correspondant d’Al Jazeera a rapporté, hier, que 8 personnes ont été tuées et d’autres blessées dans un bombardement israélien contre une maison de la famille Salmi dans le quartier Zaytoun dans la ville de Ghaza. Par ailleurs, des citoyens ont été blessés alors qu’ils attendaient l’arrivée des aides humanitaires après que l’armée israélienne a pris pour cible le rond-point du Koweït, dans la ville de Ghaza.

Reprise des opérations au nord

Al Jazeera a également fait état de bombardements sionistes contre une maison, à l’ouest de la ville de Khan Younes, ayant fait 2 martyrs et plusieurs blessés. La même source a indiqué qu’un martyr et 4 blessés sont arrivés à l’hôpital Nasser, suite à un bombardement qui a visé la région de Jourat Al-Aqqad à Khan Younes. Toujours à Khan Younes, un correspondant d’Al Jazeera a fait état d’un martyr et des blessés à la suite d’un bombardement d’artillerie israélienne visant une école abritant des centaines de personnes déplacées dans le quartier d’Al Amal.

Le journaliste a également précisé la présence d’un hélicoptère militaire tirant un missile vers un site au sud de la ville de Ghaza.

Plusieurs semaines après avoir annoncé la fin de ses opérations dans le nord de Ghaza, l’armée sioniste a repris dimanche les bombardements d’artillerie sur plusieurs zones.

Toujours au nord de Ghaza, un correspondant d’Al Jazeera a rapporté, hier après-midi, de violents affrontements à Jabalia où une énorme explosion a été entendue, au milieu d’un survol intense d’avions de guerre israéliens. Le journaliste a rapporté également que des équipes médicales militaires israéliennes procédaient à l’évacuation par voie terrestre des soldats blessés lors des combats dans le nord de la bande de Ghaza.

120 martyrs journalistes

Samedi, le bureau des médias du gouvernement à Ghaza a annoncé que le nombre de journalistes martyrs était passé à 120 après le martyre Iyad Al-Rawag animateur de la radio « Sawt Al-Aqsa ».

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a annoncé samedi, qu’elle « intentera une action en justice contre les responsables politiques et militaires israéliens s’ils ne s’engagent pas à respecter les décisions de la Cour internationale de Justice concernant le ciblage des journalistes ».

Dans une lettre adressée au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et au ministre de la Défense, Yoav Gallant, le président de la FIJ, Dominique Pradalié, et le secrétaire général, Anthony Bellanger, affirment assister « avec une horreur croissante » à « l’augmentation du nombre de morts parmi les journalistes de Ghaza, depuis le 7 octobre », relevant que ce nombre « représente désormais environ 10% des journalistes de l’enclave ». Pour la FIJ, le nombre de victimes des professionnels des médias, à Ghaza, n’est pas une question de hasard. « (…) le taux de mortalité des journalistes est tel – environ trois fois plus élevé que celui des travailleurs de la Santé, par exemple – qu’il est impossible de croire qu’il s’agit d’une question de hasard », lit-on dans la lettre.

« Nous avons lu des rapports selon lesquels les forces de défense israéliennes ont accès à des systèmes de ciblage hautement sophistiqués, améliorés par l’intelligence artificielle, tels que Gospel. Si ces informations sont exactes, on peut supposer que les décisions sont prises sur une base individuelle en ce qui concerne le ciblage des travailleurs des médias, de leurs familles et de leurs maisons », écrit la FIJ.

Le document rappelle aux responsables israéliens « que le droit international exige que les États fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils, et que les journalistes doivent être traités comme des civils ». « Nous vous demandons maintenant de vous engager et de publier des politiques et des procédures spécifiques pour garantir que le personnel des services israéliens se conforme à cette exigence », ajoute la lettre de la FIJ.

Mais « si ce n’est pas le cas », les responsables de la FIJ affirment qu’ils n’hésiteront pas « à engager des actions devant les tribunaux internationaux à l’encontre de politiciens et de commandants des FDI (armée sioniste, ndlr) et nous encouragerons nos 187 affiliés à faire de même lorsque leurs juridictions nationales le permettront ».

Punition collective contre 2,3 millions de personnes

L’affaire du retrait des pays occidentaux du financement de l’UNRWA ne peut pas être séparée de la position prise, vendredi 26 janvier 2024, par la Cour internationale de Justice (CIJ) à l’encontre d’Israël dans le cadre de la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre l’entité sioniste. Comme l’explique parfaitement Mme Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU, dans un poste sur la plateforme X (ex-Twitter) : « Au lendemain de la conclusion de la Cour internationale de Justice (CIJ) selon laquelle Israël était en train de commettre un génocide à Ghaza, certains États ont décidé de suspendre le financement de l’UNRWA, punissant collectivement des millions de Palestiniens au moment le plus critique et violant très probablement leurs obligations en vertu de la Convention sur le génocide ».

Davantage plus clair sur les intentions occidentales à l’égard de Ghaza, Chris Gunness, ancien porte-parole de l’UNRWA, affirme que la démarche des dix pays est une « attaque politique coordonnée ». « Les Israéliens ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas gagner la guerre contre Ghaza si l’UNRWA n’était pas démantelée. Quel signal plus clair voulez-vous ? » a-t-il déclaré.

Dix pays, après l’adhésion de la France à la démarche, ont annoncé la suspension de leurs financements à l’UNRWA. Aucun des dix pays n’a réagi aux dizaines de martyrs (au moins 101 victimes à la fin novembre 2023) travaillant à l’UNRWA, ni aux dizaines de bombardements des écoles et autres structures de l’Agence comme les magasins de stockage. La directrice de la Communication de l’UNRWA, Juliette Touma, a déclaré, dans un message sur X, que « neuf pays suspendent le financement de l’UNRWA, en pleine guerre, alors que les besoins humanitaires de la population de Ghaza s’aggravent ». Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Finlande, la Suisse, les Pays-Bas et l’Australie, ont annoncé la suspension de l’aide de l’UNRWA après qu’Israël a affirmé vendredi que plusieurs membres du personnel de l’organisation avaient participé aux attaques du 7 octobre 2023.

Dans un communiqué, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé samedi les pays donateurs à assurer la poursuite des opérations de l’UNRWA à Ghaza, annonçant également le licenciement de 9 des 12 employés de l’Agence. Guterres a déclaré : « Tout employé des Nations unies impliqué dans des actes terroristes sera tenu responsable, y compris par le biais de poursuites pénales ». Cependant, le SG de l’ONU a appelé les pays concernés à ne pas suspendre leurs financements.

De son côté, Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré que l’aide humanitaire à Ghaza était « menacée » ajoutant que l’aide devait être augmentée plutôt que réduite. « La population de Gaza endure des horreurs et des privations impensables depuis près de quatre mois. Leurs besoins n’ont jamais été aussi importants et notre capacité humanitaire à les aider n’a jamais été aussi menacée », a déclaré M. Griffiths dans un message publié samedi sur les réseaux sociaux.