Vulnérabilités

Vulnérabilités

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 10 décembre 2008

Un nombre record d’entreprises feront faillite en Europe et aux Etats-Unis en 2009. Aux Etats-Unis, on s’attend à la disparition de quelque 62.000 entreprises, contre 42.000 en 2008. En Europe, le chiffre passe de 149.000 à près de 200.000 faillites.

Les chiffres, livrés par le Financial Times, qui cite les principaux assureurs de crédit dans le monde, confirment l’ampleur d’une crise économique qui n’a pas encore atteint son apogée. Ce nombre inédit de dépôts de bilans, qui exprime clairement la magnitude de la crise, s’explique largement par le rétrécissement marqué et durable de l’offre de crédit. Une tendance qui concerne aussi bien les entreprises que les consommateurs. En dépit de leurs dénégations répétées, les banques, confrontées à la détérioration de leurs risques, redoublent de prudence. Elles ne veulent pas prêter à des entreprises et à des consommateurs dont la solvabilité est souvent problématique.

Ces données objectives constituent donc un indicateur concret et fiable de la situation réelle. Et dans le climat bien installé de perte de confiance, la reprise n’est pas pour bientôt. Si les Etats occidentaux ont sauvé ou renfloué des grandes banques – qui ne sont pas des entreprises comme les autres -, les entreprises, elles, subissent de plein fouet le principe de la destruction créatrice. Si leurs produits sont jugés mauvais, chers et inadaptés, si elles ont fait des choix malavisés, les entreprises meurent et d’autres naissent dans le cycle de vie du marché.

Ce principe ne s’applique pas de la même manière brutale aux banques. On a pu le voir, pas ses implications, une faillite bancaire peut faire l’effet d’un séisme. Même si elles ont été sauvées par des capitaux publics, les banques n’ont pas vocation à perfuser de l’argent à fonds perdus à des emprunteurs défaillants. Elles n’ont pas non plus vocation à la commandite, ni à la gestion directe de leurs clientèles en déconfiture, et ceci même si les Etats l’ont fait pour elles-mêmes. Certes, quelques banques ont sauté (Lehman Bros, Northern Rock ou Bears Stearns), mais la place stratégique des banques est telle que le principe de la « destruction créatrice» ne peut jouer sans risque d’effondrement général. Face à la sanction du marché, la vérité des banques n’est pas celle des entreprises.

Les chiffres des faillites confirment amplement que l’économie réelle est profondément atteinte alors que, selon de nombreux économistes, la crise a mué en récession et pourrait prendre la forme d’une stag-déflation. Un dangereux scénario où se croisent récession, stagnation et déflation. Ces banqueroutes et le ralentissement général de l’activité ne sont que les premiers effets concrets d’une crise qui pourraient, selon des projections largement partagées, durer toute l’année 2009. La récession se nourrit d’une importante mortalité des entreprises en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Le processus de rétablissement n’est pas encore à l’ordre du jour.

Quand les principales économies du monde vont mal, les pays qui exportent des matières premières, pas seulement le pétrole, le ressentent directement. La chute des prix des hydrocarbures, résultat d’une baisse sensible de l’activité générale, montre à quel point l’Algérie reste dépendante de l’extérieur. Au regard de la récession qui s’installe dans les économies qui sont les débouchés principaux des exportations d’hydrocarbures, il ne faut donc pas s’attendre pour l’année à venir à des revenus importants. Les prix du pétrole – à moins d’une improbable réduction drastique de l’offre – risquent de se maintenir à des niveaux bas. Les faillites en cascade enregistrées ces dernières semaines en sont un clair augure. Face à cette réalité, une économie non diversifiée ne montre que son extrême vulnérabilité…