Sombres augures
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 25 avril 2009
L’effondrement de la mégabulle financière, qui occupe les meilleurs esprits et mobilise d’énormes ressources, induit une crise économique dont les effets commencent à apparaître dans leur très grande brutalité.
L’activité industrielle se contracte fortement et de manière continue depuis la fin de l’année 2007. Les indicateurs les plus éloquents, comme le Baltic Dry Index, qui reflète le niveau de fret international des matières premières, restent très déprimés. Les prix du transport maritime de conteneurs entre l’Asie et l’Europe ou l’Amérique du Nord ont chuté de manière vertigineuse. Les difficultés des constructeurs automobiles américains placent déjà l’administration Obama devant des choix complexes : faut-il sauver l’industrie automobile, comment empêcher la destruction massive d’emplois, quel en serait le coût, quelles sont les chances de succès d’un plan de sauvetage sectoriel ?
Le vieil adage selon lequel « ce qui est bon pour General Motors est bon pour les USA et ce qui est bon pour les USA est bon pour le monde entier » est battu en brèche. Malgré les injections massives de capitaux publics, General Motors court irrésistiblement à la faillite : aux Etats-Unis, au mois de janvier 2009, le nombre de voitures en cours d’assemblage était inférieur de 60% par rapport à janvier 2008. Au cours du premier trimestre de l’année en cours, la production industrielle a chuté respectivement de 3,6% aux Etats-Unis et de 4,4% en Grande-Bretagne, soit une dérive annuelle de 13,8% et de 16,4%.
La chute est naturellement plus grave dans les économies fondées sur les exportations de produits manufacturés. En Allemagne, la production industrielle au cours du quatrième trimestre 2008 a reculé de 6,8%, de plus de 21% à Taïwan et de 12% au Japon. La tendance est encore plus marquée dans les économies émergentes. On imagine bien que les implications sociales à moyen terme sont catastrophiques. Mais les pays riches ont opté pour une relance qui paraît, en dehors du plan Obama de 800 milliards de dollars, minimaliste. Les aides sectorielles ne sont pas vraiment d’actualité, car, outre l’assèchement du crédit, notamment le financement du commerce international, ce qui est en cause est la baisse vertigineuse de la demande.
Plus problématiques, les plans de relance ne sont envisagés que dans des perspectives nationales alors que l’économie est mondialisée, formant un réseau aux innombrables interconnexions. La tentation protectionniste de certains pays riches reflète bien le désarroi des stratèges du libéralisme. A court de solutions, ils défendent une approche opportuniste destinée à tenter, quand cela est possible, de circonscrire localement les incendies. Cette démarche, disent beaucoup d’experts, est vouée à l’échec et risque seulement d’aboutir à un pur gaspillage de ressources.
La relance globale construite sur le développement des régions les plus retardées de la planète pourrait constituer l’option la plus ambitieuse, mais la plus réaliste, pour un redémarrage de l’industrie mondiale. On n’en est pas là. Les conséquences d’une contraction brutale de la production industrielle sont incalculables et dangereusement coûteuses pour les pays du Sud exportateurs de matières premières. Les populations majoritairement très pauvres de ces pays pâtiront directement des dysfonctionnements d’une économie mondiale dont ils n’ont jamais profité des bienfaits.