Baisse du prix du pétrole et risques budgétaires
Baisse du prix du pétrole et risques budgétaires
Les paradoxes du gouvernement
El Watan, 21 décembre 2008
L’Algérie a adopté des politiques budgétaires pour le moins pardoxales. Durant le début des années 2000, elle a privilégié la prudence budgétaire malgré les prix élevés du pétrole entre 2004 et 2005 les cours en moyenne étaient supérieurs à 45 dollars alors que le prix pétrolier de référence du budget était de 19 dollars US le baril. Et aujourd’hui, comble de l’ironie et contre toute attente, l’Exécutif s’excite sur un autre programme quinquennal alors que les prix du pétrole dégringolent sans fin à l’heure d’une récession économique dont le monde ne se remettra, selon les prévisions les plus optimistes, que dans deux ou trois ans.
Et ce, sans compter le Plan complémentaire de soutien à la croissance (PCSC) qui court jusqu’à fin 2009, dont on ignore encore l’impact sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Pourtant, tout récemment, au plus fort de la crise financière internationale, le Fonds monétaire international (FMI) a pris le soin d’attirer l’attention des autorités algériennes contre la poursuite d’une politique expansionniste en ces temps de « vaches maigres ». Les revenus pétroliers de l’Algérie connaissent une baisse très sensible puisque les cours actuellement sont en-deçà des 37 dollars, notamment au lendemain de la réunion de l’OPEP mercredi dernier à Oran. Sachant pertinemment que cette référence des 37 dollars sert de base de calcul à l’élaboration de la loi de finances pour 2009. En réalité, le pays a-t-il retenu la leçon sur l’inefficacité du processus de mise en œuvre des deux premiers plans respectivement triennal (PSRE) et quinquennal (PCSC) ?
Car si le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s’est réjoui d’annoncer un prochain programme quinquennal, il reste à évaluer les précédents plans. En effet, en août 2007, la Banque mondiale (BM) a élaboré au profit de l’Algérie, à sa demande, une Revue des dépenses publiques, qui est une étude qui vise à améliorer l’efficacité de la dépense publique. Car s’il est facile de dépenser l’argent public, il convient de préciser que la difficulté est de veiller à ce que ces sommes faramineuses partent là où elles devraient l’être et non dans « les poches » de ceux qui n’en ont pas besoin ou des spéculateurs de mauvais aloi. Et c’est donc plutôt là que la responsabilité d’un gouvernement est engagée et non dans les dotations budgétaires seulement ainsi que semblait le dire Ahmed Ouyahia face aux députés jeudi dernier.
« L’Algérie se trouve actuellement à un carrefour important. Alors que l’ambitieux PCSC progresse, le pays est confronté à un défi fondamental : le créneau d’opportunités sera-t-il exploité à l’appui d’une croissance à long terme de l’économie et de l’emploi et d’un développement social permanent, – ou sera-t-il perdu pour des raisons d’inefficacité, de gaspillage et de corruption ? » Telle est la question fondamentale qui a guidé le travail des experts de la BM et dont devait s’imprégner le gouvernement. Le document de ladite institution a considéré que « telle qu’actuellement envisagée, l’exécution intégrale du PCSC est soutenable sur le plan budgétaire dans le moyen terme et son impact inflationniste prévisible est mineur. Selon l’hypothèse que l’Algérie poursuive des politiques monétaires et d’endettement prudentes, et même selon l’hypothèse extrême d’un retour des prix pétroliers à leur niveau de référence de 19 dollars US le baril, l’Algérie pourrait exécuter le PCSC tout en maintenant un cadre budgétaire durable. Ceci s’explique par les recettes exceptionnelles des hydrocarbures des dernières années qui ont élargi l’espace budgétaire pour l’investissement public. » Mais, pour la prochaine période ?
« Pourtant, au cours de la prochaine période d’expansion budgétaire, il est essentiel que l’Algérie maintienne une position budgétaire prudente. Les prix pétroliers actuels record pourraient retomber à des niveaux inférieurs. Et, pour éviter de sérieux risques budgétaires à moyen terme, l’Algérie devrait également maîtriser les hausses permanentes des dépenses de fonctionnement résultant des investissements du PCSC. » Toutes les tares de gestion sont-elles évacuées ? Ledit rapport avait noté que « la réalisation d’un vaste programme d’investissements publics comporte des défis majeurs au niveau des projets. Il y a des raisons justifiées que des ressources puissent être déviés vers des objectifs différents, ou mal dépensés, au lieu de faire leur contribution prévisible à la croissance. Comme l’a démontré l’analyse du PSRE, le système algérien des investissements publics comporte plusieurs lacunes. » Le gouvernement a-t-il déjà fait le bilan des dépenses publiques précédentes pour être, moralement, fondé à engager des ressources supplémentaires de l’Algérie, avec tous les risques budgétaires auxquels le pays sera exposé à moyen terme. Alors que le pari de la diversification économique reste encore au stade de projet politique auquel le gouvernement est encore le seul à croire.
Par Ali Benyahia