Rien ne doit changer…!
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 16 septembre 2009
Un an après, l’onde de choc de la banqueroute de Lehman Brothers continue de troubler les marchés financiers. La faillite de la banque d’affaires new-yorkaise a été le point culminant d’un processus de désagrégation d’une série de pyramides spéculatives basées sur des montages élaborés à partir des crédits hypothécaires américains. Le total du bilan de la banque déchue équivalait, à quelques milliards près, au PIB de toute l’Afrique. La crise s’est instantanément propagée sur l’ensemble de la planète.
Les gouvernements des principales puissances économiques ont réagi très promptement et avec un niveau satisfaisant de coordination. Les plans de sauvetage bancaires, qui ont mobilisé des capitaux colossaux en provenance des budgets publics, et notamment de l’endettement des Etats, ont fonctionné. Le soutien massif des Etats a globalement permis au système financier d’absorber le choc gigantesque des défauts de paiement de débiteurs, bancaires ou non, devenus insolvables du jour au lendemain.
Mais la paralysie du crédit et la perte de confiance des acteurs a eu pour effet de gripper la machine économique et de plonger le monde dans une récession dont il n’est pas encore sorti. Les programmes de relance, nettement moins coordonnés que les plans de sauvetage bancaires, ont donné des résultats contrastés : la Chine a ainsi maintenu son taux de croissance alors que les Européens et les Américains subissent la contraction de leurs économies.
La crise avait imposé la nécessité d’une plus grande concertation entre les principaux centres de production mondiale. Le G8, ayant montré les limites de son action, est officieusement remplacé par le G20, un regroupement élargi aux pays émergents. Cet élargissement, gage d’une démocratisation de la gouvernance économique mondiale, promettait, dans la difficulté, un minimum de régulation internationale des marchés financiers à l’origine de l’effondrement.
Il semble bien que cette orientation première soit progressivement, et avec une grande habileté dans la gestion médiatique, reléguée au second plan. Les dérégulations des années 70 et 80, catastrophiques pour l’économie mais tellement profitables aux grands détenteurs de capitaux, ne sont plus évoquées. Les transformations structurelles annoncées comme inéluctables au début de la crise ont été mises sous l’éteignoir. Ce qui occupe la une des journaux est le niveau exorbitant des bonus – les commissions – perçus par les courtiers bancaires. La thématique des bonus dont se gargarisent les politiques est une façon habilement démagogique de faire mine de s’indigner devant les dérives du système, sans toucher aux mécanismes qui les provoquent.
Alan Greenspan, ancien patron de la Réserve fédérale des Etats-Unis, dont la gestion ultralibérale a participé à la formation de la bulle financière à l’origine de la crise, va plus loin. Pour cet éminent expert, les crises sont inévitables. Sa récente déclaration à la BBC illustre parfaitement le credo des théologiens du marché sans loi. M. Greenspan admet du bout des lèvres « la nécessité pour les banques de se doter d’airbags en prévision d’éventuels chocs financiers». Mais dans le même mouvement, l’ancien président de la Fed met en garde « contre une trop grande régulation étatique en réaction à la crise afin de ne pas nuire au commerce mondial».
Certes, le débat n’est pas clos, mais la position des Occidentaux a le mérite de la clarté : rien ne doit changer. Jusqu’à la prochaine crise.