Le temps de la rente maigre
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 25 octobre 2008
Sans surprise, les Britanniques et les Américains se sont offusqués de la décision prise hier par l’Opep de réduire la production de 1,5 million de barils/jour, alors que les Allemands en ont appelé à « la responsabilité et la raison» des pays producteurs.
C’est pourtant cette « responsabilité et cette raison », absentes en Occident, qui expliquent la crise financière et la spirale récessive dans laquelle est engagée l’économie mondiale.
Signe de la gravité de la situation, la décision de l’Opep n’a pas eu d’effet immédiat sur les cours du pétrole, qui ont continué à baisser. Le volume choisi par l’organisation, même s’il paraît substantiel, ne paraît pas suffisant aux yeux de nombreux analystes pour rééquilibrer l’offre. Mais c’est la règle au niveau de l’Opep: ceux qui pèsent le plus gros – en l’occurrence l’Arabie Saoudite – imposent la tendance. Il faut néanmoins constater que les Saoudiens ont accepté une correction relativement rapide et n’ont pas laissé traîner les choses comme à la fin des années 1990 où, à la suite de la crise financière asiatique, le cours du baril avait plongé jusqu’à 10 dollars. C’est cela le bon signal : l’Opep n’attendra plus pour réagir.
Mais cette baisse de la production, intervenant dans des marchés en proie aux rumeurs alarmistes et à la panique, ne pouvait avoir d’effet immédiat. Il est clair que le resserrement des crédits et l’appréciation du dollar ne rendent pas attrayante la spéculation sur les matières premières. Car, l’un des effets de la crise financière est d’avoir éliminé de très nombreux spéculateurs et cela explique, en partie, la baisse du prix du pétrole. On estimait généralement que la spéculation entrait dans au moins 40% dans la formation du prix du pétrole.
Mais l’élément fondamental reste cette récession rampante qui se globalise et met les bourses mondiales déjà fiévreuses en état de transe. L’activité économique est en train de ralentir, la consommation des ménages baisse… Les fonds publics injectés dans les banques aux Etats-Unis et en Europe paraissent comme un soporifique sans effet consistant. C’est que les acteurs financiers, qui ne sont pas concernés par les aides décidées par les gouvernements américain et européens, comme les Hedge Funds, les Fonds de pension ou des fonds communs de placement, sont pratiquement en faillite. Les grands constructeurs automobiles annoncent déjà des pertes et certains seraient dans une situation très délicate.
Contrairement aux projections optimistes, la crise financière étend ses effets aux pays émergents qui ne compensent plus le ralentissement de l’activité aux Etats-Unis et en Europe. La crise est bien là. Les marchés pétroliers réagissent logiquement sur une anticipation d’une baisse de la demande mondiale.
Dans ces conditions, les pays producteurs de pétrole ne peuvent que limiter les dégâts en réduisant l’offre sur le marché. Encore faut-il ne pas oublier que l’Opep n’est pas le seul acteur sur le marché mondial et qu’il faudrait que des pays producteurs non membres, comme la Russie, participent à cet effort de régulation du marché. Il semble bien néanmoins que le niveau du baril va rester fort éloigné du pic des 141 dollars atteint en été. C’est le temps de la rente maigre pour des pays comme l’Algérie, dépendant exclusivement des recettes d’hydrocarbures. Ils n’ont qu’un seul choix : attendre et gérer les réserves de change avec modération.