En attendant le prochain choc
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 20 décembre 2008
Goldman Sachs, la grande banque d’investissement, a avisé ses clients qu’elle jugeait «peu probable» que les pays de l’Opep mettent en oeuvre les réductions de production décidées mercredi dernier à Oran. Dans un contexte économique mondial où, avec la faramineuse fraude Madoff, les facteurs psychologiques dominent les marchés, il ne faut pas s’étonner que l’annonce faite par l’Opep n’empêche pas les prix de tomber…
En réalité, la donne continuera largement à échapper à l’organisation tant que la réduction de la production n’est pas constatée de manière physique par le marché. Tant que cela n’est pas encore fait, seul le ralentissement de l’économie – et donc de la consommation du pétrole – est pris en compte en matière d’anticipation. Quand le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaimi, promet qu’il y aura moins de pétrole extrait en janvier prochain, les marchés attendront… janvier pour voir.
Oran n’a pas été un coup pour rien. L’Opep a pris une décision importante qu’il lui reste à traduire en action. En attendant cette entrée effective de la réduction, les prix pourraient continuer à baisser. Certains experts prédisent déjà que 2009 sera une mauvaise année en matière de recettes pétrolières. Les cours ne remonteront qu’à la fin 2009. Il faudra donc que les pays producteurs, y compris ceux qui ont besoin de recettes pour financer leurs budgets, puissent garder la tête froide et faire le dos rond jusque-là. C’est cela le plus difficile. Certains pourraient être tentés de pomper davantage que leur quota.
Il reste que la chute des cours a déjà un impact sur les investissements et la production. Ils pourraient baisser de l’ordre de 12% en 2009. Hier à Londres, des pays producteurs et consommateurs n’ont pu que constater leur impuissance face à un marché rendu encore plus irrationnel par un contexte de crise. A l’inverse de la rencontre du même type à Djeddah, en juin dernier, où l’on discutait d’un baril «trop cher», la réunion de Londres avait devant elle un baril qui plonge à moins de 40 dollars.
Comme d’habitude, les perceptions sont différentes. Les pays consommateurs considèrent qu’un prix bas permet à leur économie de «souffler» en ces temps de récession, alors que pour les producteurs, ces prix sont dissuasifs à l’investissement et un choc pétrolier est à attendre au moment de la reprise de la croissance. «Les prix actuels infligent des dégâts à l’industrie et menacent les investissements présents et à venir», a averti le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaimi.
En attendant d’en convaincre les autres, l’Opep a pu constater que sa mise à l’index des spéculateurs dans la flambée des prix est désormais admise. Le ministère britannique de l’Energie a concédé, dans un rapport publié hier, que les produits dérivés et les investissements spéculatifs ont eu un rôle important dans la hausse des cours au début de l’année. Les pays producteurs avaient été accusés, voire menacés par le Premier ministre britannique. Ils le seront sans doute au prochain choc, même s’ils lancent aujourd’hui les avertissements nécessaires.