L’optimisme vient du Sud

L’optimisme vient du Sud

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 29 janvier 2009

Les annonces de fermetures d’usines et de suppressions d’emplois dans les pays riches se suivent dans une spirale accélérée de contre-performances économiques inquiétantes. Autant les plans de sauvetage bancaires que les budgets de relance, totalisant des centaines de milliards de dollars, semblent sans effet sur une crise générale dont personne ne se risque désormais à prédire les conséquences et la durée.

C’est dans ce contexte inquiétant que s’ouvre le Forum de Davos, réunion très chic et très médiatisée des principaux décideurs économiques et politiques de la planète. Ce haut lieu de l’ultralibéralisme triomphant est l’un des principaux centres de diffusion de la pensée économique dominante. Des dirigeants politiques et plus de deux mille businessmen du monde entier – cette année, aucun Algérien ne semble participer à cette réunion – vont débattre de la possibilité de «redessiner le monde après-crise».

On observe que cette année, contrairement aux sessions, peu de banquiers ont fait le déplacement vers la station helvétique. Sous perfusion massive de fonds publics, les grandes banques font profil bas et ne savent pas de quoi leurs lendemains seront faits.

En réalité, peu d’experts attendent des propositions effectives d’une assemblée qui, depuis qu’elle existe, n’a eu pour seul credo que le triptyque privatisation-déréglementation-réduction du rôle social de l’Etat, fondateur du consensus de Washington. Bien que les soubassements analytiques de cette doctrine soient aujourd’hui renversés, les évangélistes du marché libéré sont en effet bien en peine d’assumer une rupture avec la doxa de la spéculation sans limites. La crise actuelle, qui expose la rationalité destructrice de cette doctrine, suscite un véritable désarroi dans ces milieux. Bien sûr, les possibilités d’une surveillance mondiale des marchés de capitaux seront évoquées mais tout montre qu’une sortie de la logique ultralibérale n’est pas encore à l’ordre du jour. C’est une impasse idéologique qu’illustre jusqu’à la caricature le FMI, qui impose mécaniquement les mêmes conditionnalités aux pays qui sollicitent son assistance.

Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz vient d’en faire le constat en établissant un parallèle avec le traitement de la crise asiatique, où les mêmes préconisations – taux d’intérêts trop élevés et politique monétaire très restrictive – n’ont fait qu’amplifier la crise. L’économiste relève que la France et l’Angleterre font exactement l’inverse pour relancer l’activité générale et créer les conditions d’un retour rapide à un cycle vertueux.

La fixation obsessionnelle sur des recettes qui ont amplement fait la preuve de leur inefficacité – l’Algérie en est un exemple – illustre l’incapacité essentielle des centres du libéralisme à faire un minimum d’autocritique et à dépasser des rigidités théoriques de nature quasi théologique.

Cette sclérose et l’impuissance qui en découle n’augurent rien de bon pour une économie mondiale spasmée. L’optimisme vient du Sud. C’est à Belem, au Brésil, où vient de s’ouvrir le Forum social mondial, que peuvent provenir des réponses réalistes à la crise mondiale et au système de pensée qui en est responsable. Mais pour l’heure, l’influence réformatrice des altermondialistes est réduite. Si le repli de l’Occident sur des intérêts égoïstes à courte vue se confirme, il risque de nourrir, au fil des développements de la crise, d’autres voies, bien plus radicales.