Mission Accomplie !
Par M.Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 15 novembre 2008
Personne ne s’attend à ce que le G20 aboutisse à un dispositif miraculeux et encore moins à esquisser les contours d’un nouveau système financier international. Un tel aggiornamento ne se décide pas en une réunion de chefs d’Etats venant davantage pour tenter d’impulser une dynamique que pour prendre des décisions définitives. D’autant que l’événement se déroule sous les auspices d’un chef d’état américain sur le départ et sans aucune crédibilité. Barack Obama a sagement décidé de rester loin, George W Bush se retrouve ainsi en première ligne pour ressasser à ceux – ils sont rares – qui veulent l’écouter, sa foi du charbonnier dans le «marché libre ». Mais venant après une autre réunion médiatisée sur le « dialogue des religions », le président finissant ne pouvait qu’ânonner ses vérités premières – primaires – sur la religion du marché. Du Bush dans le texte. L’aveuglement radical tandis que l’économie des Etats-Unis s’effondre sous les yeux du monde entier. Il y a quelque chose de fascinant à écouter ce discours ultralibéral intégriste prononcé avec cette inimitable voix nasillarde. Comme si Wall Street était encore debout, comme si des banques ne s’étaient pas effondrées, comme si des trillions de dollars ne s’étaient pas volatilisés, comme si l’argent des contribuables américains ne venait pas d’être détourné par ceux-là même qui considèrent que l’Etat n’a rien à faire dans l’économie… La prestation avait un aspect encore plus pathétique qu’un discours de Leonid Brejnev sur les avancées irréversibles du socialisme réel. On le sait, dans la doxa ultralibérale, l’Etat n’a rien à faire dans l’économie, les forces du marché, de manière magique, par la grâce de la fameuse « main invisible », ne peuvent que s’autoréguler dans une harmonie relative. Ceux qui ont fait de mauvais choix disparaissent, les plus forts demeurent et le monde évolue vers la perfection…. Le problème est que les plans de sauvetage ne cadrent pas du tout avec les canons de l’ordre ultralibéral. Des fonds publics sont injectés dans banques défaillantes pour permettre aux plus riches de sauver leur mise… Nécessité de la minorité faisant loi pour le plus grand nombre, l’intervention de l’Etat dans ce domaine n’est donc pas une hérésie… « Nous devons reconnaître que l’intervention gouvernementale n’est pas un remède universel, cette crise n’est pas l’échec de l’économie de libre marché. Et la réponse n’est pas de réinventer ce système. ». Quelle serait donc la bonne réponse? Laisser le marché faire et éponger les pertes? En réalité, c’est le président américain, qui achève sur un autre fiasco un double mandat sanglant et ruineux pour les autres et pour les plus pauvres, qui ne sait que dire et quoi faire. Et face à l’évidence de l’échec il ne reste plus qu’a énoncer des arguments de foi quand les faits sont contre soi. On se souvient de la banderole sur un porte-avions qui annonçait pompeusement « Mission Accomplie » en Irak, le président Bush descendant d’un avion de combat croyait entrer dans l’histoire en héros. On connaît la suite. On attendrait presque que la même banderole soit accrochée au fronton de la Maison-Blanche pour accueillir ses hôtes étrangers. Car, en effet, comme ses « prestigieuses » banques d’affaires, le président peut s’enorgueillir d’un bilan complètement et tragiquement négatif. Celui qui prétendait modifier la réalité à sa convenance est rattrapé de la plus cruelle manière. En matière stratégique, les théories néoconservatrices ont démontré leur parfaite inanité et, pour conclure son deuxième mandat, voici que la sapience économique du marché régulé par la « main invisible » s’écroule dans la banqueroute généralisée du système financier et dans l’onde de choc qui menace d’emporter des pans entiers de l’économie américaine. Dans ses récentes considérations économico-philosophiques, le commandant-en-chef n’ajoute pas grand-chose à une réputation déjà terriblement entachée confirmant, s’il en était besoin, qu’il sera bien l’une des principales hypothèques pesant sur cette réunion du G20.