Tous dans le même radeau
par El-Houari-Dilmi, Le Quotidien d’Oran, 2 avril 2009
«Avoir organisé le G20 à Londres, c’est comme organiser une réunion d’alcooliques dans un bar où l’on sert du vin» : cette phrase, décochée sur un ton quasi comminatoire par le «donneur de leçons de l’avenir», Jacques Attali, anticipe (à juste titre ?) sur ce qui est présenté comme un «échec programmé» du sommet qui réunira à Londres, aujourd’hui, les chefs d’Etat et de gouvernement, représentant «à eux seuls» 84 % de la richesse produite dans le monde et 60 % de sa population, une réalité qui donne la chair de poule sur l’ampleur des inégalités au sein d’une planète, devenue, par la faute des plus «puissants», dangereusement «déséquilibrée».
L’aéropage du G20, né du putsh qui lui a permis de prendre la place du G7-G8 à la direction de l’économie mondiale, s’il devrait renouveler sa promesse de lutter contre le protectionnisme, (à supposer qu’il soit un intrant à la crise), il ne prévoit pas pour autant de nouvelles mesures de relance budgétaire, présentée elle comme la «panacée» contre l’affolante propagation des effets pernicieux de la crise au reste des économies de la planète.
Même en intégrant de grands pays émergeants à l’exemple de la Chine, en les encourageant à mener des politiques dites «contra-cycliques», il n’est pas sûr que le sommet de Londres aboutisse» logiquement à autre chose qu’à un «échec retentissant, en raison de la domination sans partage du modèle anglo-saxon, qui n’a aucun intérêt à remettre en cause son propre système financier», reconnaît-on sans sourciller dans le propre camp des néo-prophètes de l’ultralibéralisme, devenu si fou. Parallèlement, une autre crise beaucoup moins «parlante» se profile à l’horizon. En effet, à la tenue du Sommet du G20, aux attentes immenses pour la planète tout entière, mais aux résultats si peu garantis, répond, presque du tac au tac, une grave crise alimentaire mondiale, alerte de son côté le directeur général de la FAO, Jacques Diouf. Selon le patron de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, la sous-alimentation ne cesse de croître dans le monde, la preuve qu’un goût exagéré du lucre, qui frise le cas pathologique, cause des ravages partout où il sévit, est que la récente baisse des prix des céréales n’a pas été répercutée à la vente dans la plupart des pays en voie de développement. Le risque à prendre très au sérieux par les principaux dirigeants de la planète – et donc par le G20 – est, selon le DG de la FAO, que la crise économique et financière n’aggrave davantage la sous-alimentation qui menace directement la survie d’un milliard d’individus dans le monde. Jamais, depuis trente ans, les réserves de céréales n’ont été à un niveau aussi bas au moment où l’insécurité alimentaire constitue la première menace pour la stabilité «politique», voire la survie tout court, de plus de trente pays, classés comme les plus vulnérables de la planète. La situation est d’autant plus fragile que la coupe risque, plus rapidement que ne le pense d’aucuns, de se retrouver pleine avec les sérieux problèmes climatiques et l’engouement, un peu malsain, pour les biocarburants, qui agissent par effet mécanique sur la production céréalière mondiale. Selon l’organisation onusienne pour l’agriculture et l’alimentation, au moins trente milliards de dollars sont à mobiliser de toute urgence (par qui ?), pour apporter une aide urgente à quelque 500 millions de petits producteurs à travers le monde. Sinon, la situation, en termes de grave déficit vivrier, risque de déborder rapidement en dehors des frontières des pays concernés pour s’exporter «sans contrôle aucun» dans le monde plus riche «d’en face» et agir comme un caillou dans le soulier pour les pays les plus nantis qui ne peuvent dormir de leur sommeil du juste en remisant dans la corbeille des «à classer» un lourd dossier qui risque de noyer dans un déluge d’eau le moulin grippé d’un monde devenu si peu résistant aux «maladies de l’argent».