Un G20 et tout reste en place
par K.Selim, Le Quotidien d’Oran, 27 septembre 2009
Le G20 a été officiellement institué comme forum de la gouvernance économique mondiale par le sommet de Pittsburgh. Il ne faut surtout pas en tirer la conclusion que le système économique mondial s’est démocratisé ou que le G7, instance occidentale par excellence, est mort. C’est aller effectivement vite en besogne.
On peut trouver que l’élargissement formel du «directoire» de l’économie à des économies émergentes constitue un progrès, à condition de relativiser. Le pouvoir n’a pas changé de mains. Les Occidentaux concèdent un peu de place à des économies dont le dynamisme est clairement établi et qui sont globalement dans la logique du marché, mais ils gardent les leviers en main.
A Pittsburgh, s’indignent à juste titre les ONG, le G20 s’est occupé des affaires des riches et il ne s’est guère intéressé aux besoins d’1,5 milliard de personnes dont la survie est menacée par la crise économique. L’intégration des émergents dans le «happy few», jusqu’à preuve du contraire, sert à donner une image plus «élargie» du groupe et non à changer un ordre des choses, par de multiples aspects, criminel.
Il sert aussi à dissocier les meilleures économies du Sud des autres. Les pays émergents qui ont intégré le «directoire» ne sont pas dupes : leur insertion s’accompagne de concessions homéopathiques en terme de pouvoir. A titre d’exemple, le G20 a décidé que 5% des quotes-parts au FMI seraient transférées vers les pays émergents. La concession est très relative puisque les Occidentaux restent, avec 55% des quotes-parts, totalement maîtres à bord. Les Etats-Unis continuent à disposer au sein du FMI d’un droit de veto de fait. Le G7 continue donc de disposer de la mainmise absolue sur le système économique mondial.
Les dirigeants occidentaux appliquent avec rigueur la fameuse formule de Lampedusa : il faut que quelque chose bouge pour que tout reste en place. Ceux qui cultivent l’optimisme peuvent faire valoir que l’institutionnalisation du G20 n’est qu’un début. Peut-être. Sauf qu’il est difficile de ne pas constater que tout est fait pour que rien ne change.
Le choix même des ordres de priorité le démontre : on s’attaque aux bonus, on se garde de toucher aux mécanismes du système qui a permis toutes les dérives. On a beaucoup parlé des paradis fiscaux et de la nécessité de sévir contre eux. Mais le G20 de Londres en avril a offert à ceux qui étaient sur la liste noire de s’en tirer à bon compte : il suffisait de signer 12 traités d’échanges d’information. Cela a été rondement mené et, désormais, à en croire le président français, il n’existe plus de paradis fiscaux. Ce progrès prodigieux est, explique l’association Attac, «une gigantesque tromperie. En ce qui concerne les paradis fiscaux par exemple, Monaco est passé de la liste grise à la liste blanche de l’OCDE parce qu’elle a promis d’échanger ses informations bancaires… avec d’autres paradis fiscaux, comme le Liechtenstein !». La boucle est bouclée, il n’y a plus de paradis fiscaux, il n’y a que des honnêtes gens !
Les grands pays émergents n’entendent sans doute pas être au G20 pour faire de la figuration. Il reste à démontrer qu’ils peuvent faire autrement. Pour l’instant, force est de constater qu’ils ne font qu’offrir à ceux qui ont – très mal – gouverné l’économie mondiale une opportunité d’améliorer leur image. Ils sont la chose qui a bougé pour que tout reste en place…