G20: Les choses cachées de Pittsburgh
par Notre Bureau De Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med, Le Quotidien d’Oran, 26 septembre 2009
Suffirait-il d’une réunion des dirigeants des 20 pays les plus riches au monde pour que le capitalisme financier mondial «s’assagisse» ? Pas si sûr que cela. Et s’il redoublait de voracité ?
La répétition des sommets des 20 pays les plus riches de la planète serait-elle l’arbre qui cache la forêt (la jungle) du monde de la finance internationale ? Sinon pourquoi les 20 chefs d’Etat et de gouvernement réunis jeudi et hier matin à Pittsburgh ont-ils répété dans leur communiqué final, exactement, les mêmes slogans d’ordre général pondus depuis la première réunion de Londres de janvier 2008, c’est-à-dire avant l’annonce de la crise mondiale en septembre 2008 à partir des USA ? Rappelons-nous qu’en janvier 2008 le Premier ministre britannique, Gordon Brown, avait réuni à Londres un mini-sommet regroupant la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre pour décider de: revoir le système des agences de notation bancaires ; d’instaurer plus de régularité dans le fonctionnement du marché mondial de la finance ; de revoir la question des bonus ; de s’attaquer aux paradis fiscaux ; etc.
Pittsburgh du 24 septembre 2009 n’a pas fait mieux. On enregistre plutôt un recul, puisque les USA ont exclu du débat la question du niveau des bonus attribués aux traders. Ce qui fait dire aux analystes financiers que ce sont les banques, et seulement les banques, qui sortent indemnes de cette crise internationale. Dans ce même ordre d’idées, le sommet de Pittsburgh s’est penché sur le rôle du FMI dans cette histoire. Là encore, après s’être vu renflouer les caisses pour plus de 250 milliards de dollars sur les 750 demandés par le G20 de Londres, le FMI a tout de suite adopté une nouvelle méthode de prêt: les prêts à court terme. C’est ainsi dès le début de 2009, l’institution financière internationale a avancé des prêts à court terme à l’Islande de 1,65 milliard d’euros ; 13 milliards à l’Ukraine et 12,5 milliards à la Hongrie. Le dernier des économistes vous dira combien les prêts à court terme sont ceux qui comprennent le plus de risques, parce qu’ils poussent leurs bénéficiaires à vouloir générer (pour rembourser) une plus-value immédiate en augmentant les taux d’intérêt.
Par ailleurs, si tant est qu’il faut investir l’argent dans les économies qui présentent de vraies opportunités de rendement, y aurait-il mieux que les pays africains ? Ces derniers ont, à ce jour, un taux de croissance de plus de 6,5% et des segments de production parfois vierges (agriculture, infrastructures de base, services, etc.). Ce qui est paradoxal, c’est que les dirigeants du G20 autant que le FMI déclarent qu’il est primordial de soutenir les pays du tiers monde contre les effets (à venir surtout) de la crise, alors que dans les faits rien de sérieux n’est entrepris.
L’autre chapitre lié à la crise internationale et dont le sommet de Pittsburgh en a fait l’impasse est celui relatif au rôle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette organisation mondiale qui regroupe 153 membres (l’Algérie négocie encore son entrée) prône la libéralisation totale du marché de la production mondiale au même moment où les dirigeants du G20 appellent à la régulation du marché financier. La réunion des ministres du Commerce de l’OMC tenue à New Delhi (Inde) les 2 et 3 septembre dernier s’est soldé par un autre échec, puisque les USA ont rappelé leur choix pour des négociations bilatérales et ont affirmé viser les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) pour assurer des débouchés à leur économie. Cette attitude traduit en fait un retour au protectionnisme et au chacun pour soi. Les difficultés apparues dans les négociations actuelles de l’OMC traînent depuis 2001, année de l’ouverture de ce qui est appelé «Cycle de Doha». Prévues pour être conclues en trois ans, elles traînent depuis.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, le sommet du G20 de Pittsburgh apparaît comme un simple coup d’épée dans l’eau… trouble du marché de la spéculation financière internationale. Le dérèglement du marché capitaliste nous offre aujourd’hui des tableaux indécents et «immoraux» de par le monde: des dizaines de millions de litres de lait frais déversés dans les égouts en face d’un enfant africain ou sud-asiatique agonisant sur le sein de sa mère.
Les journaux télévisés ouvrent avec le voyage d’agrément vers la station spatiale internationale de tel milliardaire et clôture, brièvement, sur l’interception en haute mer, par les patrouilles maritimes européennes, de femmes, enfants et jeunes africains faméliques embarqués dans des coquilles de noix. Pittsburgh n’est en fait qu’un épisode dans la saga historique du capitalisme financier mondial.