G20: «Historique» pour les uns, à côté de la plaque pour d’autres
Le G20 a consacré la fin de la prééminence du G7
«Historique» pour les uns, à côté de la plaque pour d’autres
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 4 avril 2009
Le G20 a-t-il remis l’économie mondiale sur les rails ? C’est ce que la «com», très réussie du sommet de Londres, a essayé de vendre. Il faut aller chez les ONG pour entendre de grands bémols à un sommet qualifié, un peu trop hâtivement, d’historique. Ou de «presque historique», selon la prudente Angela Merkel.
Le vrai événement de Londres est qu’il consacre désormais le déplacement du «pouvoir» du G7 au G20. Ce n’est au fond qu’une consécration du fait que des pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, pèsent de plus en plus lourd dans l’économie mondiale et qu’il devenait absurde de continuer à prétendre que le club du G7 pouvait décider sans eux. S’il faut donner de «l’historique» à ce sommet de Londres, c’est bien à ce niveau. Encore que les pays émergents attendent toujours la transformation effective de changement en matière de droit de vote au niveau des institutions financières internationales qui voient leur rôle de régulateur renforcé. Mais sur le fond, le communiqué final a été un compromis entre une Europe qui insistait sur une plus grande régulation des marchés financiers et les Américains qui cherchaient des efforts supplémentaires en matière de relance économique. Dans les faits, il n’y a pas eu d’argent nouveau mis dans la relance, les 5.000 milliards de dollars cités dans le communiqué du G20 étant une compilation des différents plans de relance mis en oeuvre par les différents pays pour faire face aux effets de la récession économique. Le communiqué affirme que ces plans cumulés vont sauver ou créer des millions d’emplois et accroître la production mondiale jusqu’à 4%. S’il n’y a pas d’argent frais pour la relance, on a décidé par contre de renforcer le FMI en augmentant ses ressources de 1.100 milliards de dollars. Cet argent n’est donc pas destiné à la relance mais aux opérations de sauvetage qui risquent d’être fort nombreuses. Les ressources du Fonds monétaire international seront triplées, portées à 750 milliards de dollars. En outre, le FMI va augmenter son capital de 250 milliards sous forme de DTS. Les banques de développement reçoivent 100 milliards de dollars. Mais surtout, le FMI est investi par le G20 d’une mission de surveillance des économies.
Le FMI relancé
«Nous soutenons, maintenant et dans le futur, le principe d’une surveillance indépendante du FMI sur nos économies et nos secteurs financiers, sur l’impact de nos politiques sur les autres Etats et sur les risques menaçant l’économie», indique le communiqué du G20. Pour répondre aux gigantesques errements du système financier, le G20 a décidé de créer un «Conseil de stabilité financière» qui prend la succession du Forum de stabilité financière avec un mandat renforcé. Ce conseil aura, avec le FMI, un rôle d’alerte sur les risques macro-économiques et financiers et de proposer des actions pour y remédier. Le G20 a décidé également d’étendre la supervision à tous les marchés, produits et institutions financières présentant un risque systémique y compris les fameux «hedge funds». Il a également décidé d’agir contre les paradis fiscaux en énonçant que «l’ère du secret bancaire est révolue» et que des sanctions sont prévues contre eux. Il a également décidé d’obliger les agences de notation à être enregistrées et surveillées, en particulier pour éviter d’inacceptables conflits d’intérêt. Pour les pays pauvres qui subissent la crise sans en être les responsables, le G20 énonce son engagement à respecter les objectifs du millénaire et autorise le FMI à vendre une partie de ses ressources en or pour soutenir les pays pauvres.
Le sort des pays pauvres n’est pas une priorité
Rien de bien solide. Ce qui explique la réaction de plusieurs ONG qui n’apprécient pas la réhabilitation du FMI dont l’action a été désastreuse pour de nombreux pays du Sud. Les organisations réunies dans le collectif «Nous ne paierons pas pour leurs crises» ont noté que les dirigeants du G20 ont choisi de «relégitimer un système pourtant en crise structurelle et de renforcer le rôle de ses institutions les plus contestées». Pour ces ONG, le G20 a choisi de structurer sa réponse à la crise à travers le FMI, la Banque mondiale, l’OMC et le Forum de stabilité financière «dont les politiques sont de longue date dénoncées par la société civile pour leur impact négatif sur le développement et l’accès aux droits des populations du monde entier». Le pire est que la réhabilitation de ces institutions se fait «sans engagements satisfaisants quant à leur réforme interne ou au changement de cap de leur politique, ni leur intégration dans le cadre institutionnel et légal du système des Nations unies». Le World Devlopment Movement estime que le G20 est une «pilule amère» pour les plus pauvres. Les dirigeants du G20 n’ont que «réarrangé les transats d’un Titanic en train de couler». Une autre ONG, CCFD-Terre solidaire, estime que le G20 a montré qu’avec «peu de volonté politique, on peut faire quelques avancées. Mais le sort des populations les plus pauvres du monde n’était manifestement pas sa priorité» et il a manqué une «occasion historique de faire du sort des 3 milliards de pauvres la boussole de l’économie mondiale». Difficile en effet d’attendre des fondés de pouvoir des véritables responsables de la crise de changer d’optique… Sans oublier qu’à ce G20, les pays qui souffrent le plus de la crise n’étaient pas de la partie.