Crise et enjeux politiques
Par K.Selim, Le Quotidien d’Oran, 16 mai 2009
Quand verra-t-on la fin de la spirale récessive dans laquelle l’économie est engagée depuis l’explosion en vol des crédits hypothécaires américains ? La question est récurrente dans tous les débats politiques et économiques. Le sauvetage des banques et les plans de relance, les réunions hyper-médiatisées du G20, les déclarations optimistes ou lénifiantes des économistes officiels ou officieux n’y font rien. La récession se manifeste tous les jours par de nouvelles fermetures d’usines, de nouvelles pertes d’emplois et des indicateurs tendanciellement déprimés dans les pays industrialisés. La crainte d’éruptions sociales combinées à la volonté muette, mais ô combien déterminée, de maintenir le système en l’état expliquent sans aucun doute la représentation anxiolytique de la situation et des perspectives à court terme de l’économie mondiale.
Mais les faits sont têtus et le Wall Street journal, quotidien de la haute finance américaine le reconnaît. Il ressort d’une enquête menée par ce journal ultralibéral des bords de l’Hudson auprès d’un panel de cinquante-deux économistes que la récession devrait s’achever vers la fin de l’été, mais l’économie mondiale devrait mettre plusieurs années à retrouver ses niveaux d’avant-crise.
La reprise sera donc « molle » et le taux de chômage se maintiendra durablement à des niveaux élevés. Les chiffres de la contraction économique annoncés avec d’évidentes précautions langagières sont effectivement alarmants, la contraction du PIB des principaux centres développés se situe entre 3% et 6%, ce qui signifie une destruction monumentale d’emplois. Ainsi, pour la France qui perd officiellement plus de 70 000 emplois par mois, la contraction de 3% du PIB pourrait occasionner entre 500 000 et un million de chômeurs de plus. Aux Etats-Unis, le nombre de sans-emplois grossit au rythme de plus de 600 000 par mois, il y aura au moins deux millions d’américains de plus privés de travail à la fin de l’année.
Avec 8,9% de la population active au chômage les Etats-Unis, la consommation des ménages, moteur fondamental de la machine américaine, est très faible. Mais, pour la majorité des économistes interrogés, les décisions de la Federal Reserve et de Barack Obama ont permis d’éviter une dépression aux conséquences infiniment plus dommageables. Le proche avenir dira donc si les prévisions des économistes du Wall Street Journal sont fondées.
La question essentielle est de savoir si le système libéral est capable d’absorber socialement de tels chocs et se relever et continuer comme avant ou à peu près. Car l’enjeu de la sortie de crise est social et politique. C’est à ce niveau –surtout ? – que l’exercice des prévisions rassurantes est un type de communication-propagande à destination du plus large public.
Après tout dira-t-on, les sociétés consuméristes d’occident ont accepté les règles du marché déréglementé et si aujourd’hui leurs catégories les plus faibles en paient le prix, peu nous importe à nous autres peuples à la marge du monde ! Pourquoi devrait-on se préoccuper de leur récession et de leur sortie de crise ?
Il est vrai que pour l’ultralibéralisme, le destin famélique des pays du sud pillés et réduits au sous-développement n’est digne d’intérêt que lorsqu’il s’agit de les blâmer ou de leur faire la guerre. L’inverse n’est pas vrai. La crise l’a démontré : les performances économiques et les niveaux de vie des pays développés influent décisivement le reste de la planète. Leurs convulsions politiques également.