Adhésion aux BRICS : le forcing de l’Algérie
Karim Kebir, TSA, 03 Août 2023
À moins de trois semaines de la tenue du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), prévue à Johannesburg, Alger poursuit son offensive pour obtenir soutiens et appuis à son adhésion au groupe.
Dernière séquence en date : la rencontre tenue mercredi à Alger entre le ministre des Finances, Laaziz Faid et l’ambassadeur d’Inde à Alger, Gaurav Ahwalia.
« Cette rencontre a constitué une occasion pour examiner l’état des relations économiques et financières bilatérales, ainsi que les perspectives de leur développement et renforcement, notamment dans le secteur financier », a indiqué un communiqué du ministère.
L’occasion de cette rencontre a été également mise à profit par M. Faid pour revenir sur la demande exprimée par l’Algérie pour son adhésion à la Nouvelle banque de développement (NDB), institution financière mise en place par les pays des BRICS, précise le texte.
Le ministre des Finances a expliqué à son interlocuteur que l’Algérie comptait sur « l’appui » de l’Inde pour une « concrétisation diligente de cette adhésion, et ce, conformément à la tradition qui a toujours marqué les relations bilatérales en matière d’appuis mutuels au niveau des instances multilatérales ».
Cette rencontre intervient dans la foulée de la récente tournée effectuée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune en Russie, en Chine et en Turquie.
À Pékin et à Moscou, deux poids lourds des BRICS, le chef de l’État a reçu un appui franc à la demande de l’Algérie d’intégrer ce club select des économies émergentes.
Isolé sur la scène internationale depuis son offensive en Ukraine, Moscou, en quête de soutiens, est le premier pays à s’exprimer ouvertement en faveur de l’élargissement des BRICS, alors que Pékin, soucieuse d’étendre son influence pour faire contrepoids aux États-Unis, est aussi favorable à cet élargissement. Réfractaire jusqu’ici à l’élargissement du groupe, l’Inde semble plutôt atténuer sa résistance.
De quoi constituer un autre coup de main à Alger compte tenu des relations privilégiées qui lient les deux pays depuis longtemps. Avec l’Afrique du Sud avec laquelle elle entretient des relations historiques, l’Algérie peut se prévaloir d’ores et déjà d’avoir des soutiens de poids dans son ambition d’intégrer le groupe.
Élargissement des Brics : le Brésil réticent, l’Algérie compte sur l’Inde
Reste que cette ambition risque de se heurter à quelques obstacles, à commencer par la réticence du Brésil qui n’est pas encore chaud à l’idée d’intégrer d’autres membres, plus d’une vingtaine de pays qui y postulent.
« Une expansion pourrait transformer le bloc en quelque chose d’autre », a déclaré un parmi trois responsables brésiliens interrogés par l’agence Reuters.
Le Brésil se soucie de la « cohésion » des Brics ainsi que la « préservation de notre espace dans un groupe de pays importants », a-t-il dit, sous le sceau de l’anonymat.
Selon cette source, deux des trois responsables brésiliens ont assisté à une récente réunion des ministres des Affaires étrangères au Cap, qui a abordé la question avant le sommet des BRICS du 22 au 24 août à Johannesburg.
Les diplomates ont été invités à concevoir un processus d’admission de nouveaux membres acceptables pour l’ensemble du groupe des Brics. Sans accord, la question ne devrait pas être réglée lors du prochain sommet, d’après la même source.
Le gouvernement brésilien soutiendra que « toute expansion » des Brics « devrait être progressive ». Le Brésil veut aussi « maintenir l’équilibre régional et conserver des rôles prééminents pour les cinq membres permanents », selon la même source.
De nouveaux membres pourraient être admis en tant que pays partenaires participant aux sommets sans devenir membres à part entière, comme dans d’autres organisations internationales, a déclaré un des responsables brésiliens à Reuters.
« Le Brésil va devoir céder à un moment donné, car nous sommes réalistes et ce n’est pas dans notre nature de bloquer les choses, mais ce ne sera pas bon pour nous », a toutefois concédé ce responsable.
Interrogé par Reuters, Oliver Stuenkel, observateur des BRICS et professeur à la Fondation Getulio Vargas à São Paulo, a affirmé que l’Indonésie est un candidat solide pour rejoindre les BRICS compte tenu de sa puissance régionale et de son rôle croissant dans l’économie mondiale.
« En revanche, inclure l’Iran, le Venezuela ou l’Arabie Saoudite modifierait la dynamique du groupe et rendrait plus difficile pour des pays comme le Brésil de conserver leur influence », a-t-il déclaré.
Stuenkel n’évoque pas l’Algérie, mais il apparaît clair qu’il est dans l’intérêt d’Alger d’obtenir l’assentiment du Brésil, d’autant que les décisions au sein des BRICS se prennent par consensus.
Vu sous cet angle, il n’est pas exclu qu’Alger entreprenne des démarches auprès de Brasília, avec laquelle les relations sont qualifiées « d’amicales » par les observateurs, pour tenter d’obtenir son appui.
Autre éventuel obstacle pour l’Algérie sur le chemin de rejoindre les Brics : ses fragilités économiques, notamment dans le domaine bancaire et des infrastructures.
Raisons pour lesquelles des pays comme le Brésil ou encore l’Afrique du Sud insistent d’ores et déjà sur les « critères d’admission » qui devraient être à l’ordre du jour du sommet.
« La formule d’élargissement nécessite un examen et une compréhension plus approfondis », a déclaré le président sud-africain, Cyril Ramaphosa.
Reste que face à l’empressement de la Russie d’élargir le groupe et les réticences brésiliennes, il n’est pas exclu que le sommet aboutisse sur un report de l’examen des demandes d’adhésion.