Plus grave qu’on ne l’imagine !
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 8 février 2009
L’inquiétude gagne insidieusement les milieux politiques dominants en Occident. Le Forum économique mondial de Davos, réunion du nec plus ultra de l’ultralibéralisme, a achevé ses travaux dans une atmosphère très déprimée. Il est vrai que les mauvaises nouvelles du front économique se suivent et se ressemblent. Les Etats-Unis enregistrent six cent mille nouveaux chômeurs en janvier, un record jamais atteint, les multinationales japonaises annoncent toutes, certaines pour la première fois de leur histoire, des pertes qui se chiffrent en milliards de dollars, les banques britanniques sont virtuellement en faillite et ne doivent leur survie qu’au soutien massif de la Banque d’Angleterre.
La crise qui frappe l’économie mondiale dépasse en ampleur les prévisions les plus pessimistes. Les plans de sauvetage bancaire et de relance annoncés à grands renforts médiatiques semblent inopérants, le marché du crédit est toujours paralysé. Aux Etats-Unis, le plan de 900 milliards de dollars voulu par le Président Obama se heurte aux réticences des républicains qui considèrent qu’il n’aura qu’un effet limité, certains estiment qu’un effort de même importance sera certainement demandé avant le début de l’été. Les économistes, massivement reconvertis aux théories de Keynes, se perdent en conjectures. Les injections massives de capitaux par l’Administration américaine creusent un déficit abyssal qui implique le recours de plus en plus important à l’endettement. Or, les principaux créanciers des Etats-Unis, Chine en tête, rechignent à souscrire des bons dont la valeur de réserve s’effrite aux yeux de nombreux investisseurs.
Le spectre de la déflation, la baisse des prix et des salaires, hante l’économie-monde. Il est plus vrai que jamais que ce qui affecte dangereusement la dernière grande puissance heurte de plein fouet le reste de la planète. Le ralentissement brutal des échanges est confirmé par l’IATA qui annonce que le transport aérien de fret mondial a régressé de près de 23% en décembre 2008 par rapport à décembre 2007. Cette chute spectaculaire est sans précédent. L’irrésistible dégradation de la situation semble dépasser les capacités d’évaluation et de réaction de dirigeants politiques enfermés dans la logique libérale de ceux qui les ont portés au pouvoir. Ce qui n’empêche pas que tous soient parfaitement conscients des conséquences politiques à très court terme de la croissance du chômage et de la précarisation de larges catégories sociales.
Les craintes de mouvements sociaux massifs, aux implications imprévisibles, sont manifestes. Or, force est de constater que l’axe principal des plans de relance occidentaux est le soutien aux entreprises, les aides aux ménages en difficulté, quand elles existent, étant jugées très insuffisantes. Le mécontentement est palpable: les couches moyennes fragilisées n’admettent pas d’être exclues de la générosité publique manifestée aux banques. En Europe, les tensions sont palpables, nourries par le désespoir et l’impuissance. Et ce que l’on craint par-dessus tout est que les revendications socio-économiques cèdent le pas au rejet global du modèle. La crise économique risque de se transformer en crise politique de première grandeur.