« La crise des liquidités va affecter les banques locales »

Abdel Attou, consultant international

« La crise des liquidités va affecter les banques locales »

El Watan, 11 février 2009

« Il y aura un impact sur les investissements et sur les prix du pétrole », selon les prévisions de cet expert. Il estime que le nouveau plan quinquennal arrive « à un très mauvais moment », car l’Algérie, a-t-il insisté, « a besoin de gérer ses ressources en cette période de crise ».

Abdel Attou, consultant international et professeur de l’université Oxford, est convaincu que l’Algérie n’est pas à l’abri des retombées de la crise financière mondiale. « Honnêtement, la crise de liquidités va affecter les banques locales. Il n’y a aucun doute là-dessus. Les crédits seront difficiles à obtenir. Il y aura un impact sur les investissements et sur les prix du pétrole », a-t-il estimé hier lors d’une conférence-débat tenue au siège de l’Assemblée nationale populaire (APN) à Alger. « Cela va toucher l’économie qu’on le veuille ou non ! », a-t-il ajouté, même s’il affirme que les institutions financières algériennes ne sont pas liées au système financier mondial. M. Attou a plaidé pour la mise en place d’une « stratégie concertée et globale », basée sur la diversification de l’économie. Les propos de cet expert contrastent avec les déclarations rassurantes de nombreux ministres du gouvernement Ouyahia, selon lesquels l’Algérie est à l’abri des effets de la crise mondiale. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, a annoncé un nouveau programme quinquennal d’un montant de 150 milliards de dollars entre 2009 et 2014. Une annonce intervenant au moment où les recettes pétrolières enregistrent une baisse en raison de la chute vertigineuse des cours de pétrole. Selon M. Attou, le programme de développement économique en question tombe « à un très mauvais moment », car l’Algérie, a-t-il insisté, « a besoin de gérer ses ressources en cette période de crise ». S’agissant du très controversé fonds souverain sur lequel le gouvernement a déjà opposé un niet catégorique, le conférencier a invité les responsables politiques « à méditer les autres exemples, notamment celui de la Norvège » avant de penser à se doter d’une telle institution.

« C’est comme un compte d’épargne. On peut faire beaucoup de choses sur le plan international et national (…) Seulement, il faut prendre des précautions puisque ce sont des fonds risqués », a-t-il expliqué. Sur un autre chapitre, M. Attou, également membre du Conseil arabe des affaires au Forum économique mondial de Davos, a qualifié « la négligence » du secteur de l’agriculture « d’erreur monumentale ». La preuve en est, selon lui, le poids de la facture alimentaire. Interpellé par Louisa Hanoune, première responsable du Parti des travailleurs, sur le processus de négociations en cours pour l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, l’orateur a beaucoup insisté sur la nécessité que l’Algérie ne se replie pas sur elle-même. « Si on participe à l’architecture mondiale, c’est pour protéger notre économie. On ne peut pas gagner, si on n’est pas à l’intérieur », a-t-il argué. A la question de savoir si la finance islamique, qui a le vent en poupe actuellement dans le monde, pourrait être l’alternative au capitalisme, M. Attou s’est montré sceptique, tout en estimant que « ce mode de financement n’a pas de théorie fondamentale capable de corriger le système occidental, si ce n’est du cosmétique ». Auparavant, M. Attou est revenu longuement sur la genèse de la crise financière mondiale et ses effets néfastes sur de nombreuses économies, même les plus puissantes. Selon lui, l’économie mondiale reprendra sa vigueur à partir du premier semestre 2010.

Par Hocine Lamriben